30 décembre 2005

Voyons voir...

Vous avez trouvé plein de bouquins au pied du sapin cette année : chouette !
:)

Mais hélaaaaaaaassss, vous ne pouvez pas tout lire d'ici la rentrée, d'autant que vous avez ce fichu rapport à pondre en 2006, et qu'il vous faut orienter dès à présent vos lectures vers des horizons moins distrayant que le tome 13 du Chat de Geluck, ou le premier volume de l'intégrale de Snoopy...

Par ailleurs, 2006 sera peut-être l'année où vous vous laisserez tenter par ce livre que vous avez aperçu sur les étals de votre libraire, mais que vous n'avez pas osé vous offrir...

Avec de telles perspectives, quel sera votre livre préféré en 2006 ?

29 décembre 2005

(BD) Lune de guerre

Un scénario de VAN HAMME, le dessin de HERMANN, pour un album à l'ambiance incroyable... Ou comment un mariage peut déraper en guérilla rurale !

Le speech :
"La mariée est en blanc. Belle fête. Dans ce pays aux murs gris rayés de géraniums, les belles fêtes font les bons amis.
On a bien entendu quelques éclats de voix, mais ça devait être le père de la mariée qui avait trop bu : quelques bières derrière la cravate, et il ne contrôle plus ses décibels. Chez ces gens-là, Monsieur, on ne rit pas,
on brame aux étoiles.
Tout de même, on aurait eu des mots, comme disent les gens du coin. Peut-être à cause de la grand-mère, qui est assise sur le pognon comme le penseur de Rodin sur son cul. Et qui ne dit rien, et qui regarde, et qui voit tout, et n’en dit rien. Chez ces gens-là, Monsieur, on ne vieillit pas, on se recroquemitouffle. Et puis, il y a les mâles tarés de la famille, ceux qui ne fusillent pas que du regard. Qui tirent sur tout ce qui bouge, quand le sang leur monte à la tête et leur éclabousse le visage. Chez ces gens-là, Monsieur, on ne tue pas, on carnage. C’est pas tout ça : que mangeons-nous ce soir ? Tomates aux crevettes ? Bonne idée. Bonne idée ?"

70 pages, Aire Libre Dupuis - 12,95 €

(BD) Soyons fous

Tome 2 de ces portraits modernes et décalés brossés par Manu LARCENET, en noir et blanc et en quelques pages chacun...

Le speech de l'éditeur : "Après avoir mis à jour la biographie secrète de Bill Baroud, rendu justice aux super héros injustement méconnus et établi la loi des séries, Larcenet poursuit son oeuvre au service de la vérité. Une vérité déjantée qui fait son succès depuis quelques années. Une oeuvre que Larcenet enrichit de belle manière avec ce deuxième volume de Soyons Fous. Ce travail sociologico-historique mené avec acuité met à bas tous les a-priori entourant des personnages emblématiques comme Dieu, le paysan, le gangster ou le cosmonaute. Voici neuf cas d'étude fouillés qui répondent sans faillir à des sujets pourtant ambitieux. Jugez-en : "Le pirate, approche comportementaliste de sa disparition, de son impact sur l'économie de marché et de ses relations avec les chiens", "L'enfant, son rapport à l'argent, son importance sur la peinture du XVIè siècle, ses différences avec les vieux". Autant de caractères admirablement cernés par un dessin larcenesque et des dialogues époustouflants d'authenticité. C'est à chaque fois l'occasion de découvrir une vérité bien cachée derrière des idées reçues, et surtout de rire en faisant semblant de s'instruire."

51 pages, Fluide Glacial - 8,50 €
Lewis TRONDHEIM et Manu LARCENET, Les Cosmonautes du Futur
Jean-Yves FERRI et Manu LARCENET, Le Retour à la Terre
Manu LARCENET, La Légende de Robin des Bois et On fera avec

(BD) On fera avec

Un bel album rempli d'aphorismes en noir et blanc de Manu LARCENET...

A tourner les premières pages de ce joli volume, j'ai d'abord pensé à trois albums jeunesse achetés il y a quelques années au Salon du Livre de Paris. Je n'ai pas encore remis la main sur les références de ces trois albums, mais cela viendra sûrement. En fait, la ressemblance me paraissait tellement frappante que le mot "plagiat" m'a quelque peu titillé le clavier...

Mais au fil des pages, c'est bel et bien Larcenet qui s'impose, avec son style bien particulier, entre légèreté et gravité. Il est épaulé dans cette entreprise d'équilibriste et de moraliste par Cioran, par Tardi... Chaque planche, chaque case finit par être succulente.

Une petite leçon de vie comme il est bon d'en recevoir, tout particulièrement à la veille d'un changement d'année...

Env. 60 pages, coll. « On verra bien » - 9,50 €

Lewis TRONDHEIM et Manu LARCENET, Les Cosmonautes du Futur
Jean-Yves FERRI et Manu LARCENET, Le Retour à la Terre
Manu LARCENET, La Légende de Robin des Bois et Soyons fous (tome 2)

(BD) Retour au collège

Riad SATTOUF retourne vivre pour quelques semaines dans un collège parisien. Sa révélation : les élèves des beaux quartiers ne sont pas si sages qu'on pouvait s'y attendre...

Il faut dire que s'y attendre serait naïf... apparemment, pas pour Riad Sattouf, qui frôle ici le pire comme peut-être le meilleur de ce que nous avons lu de lui à ce jour. Les hantises, les complexes, les pulsions décrites chez les ados de la 3èC du collège Charles-Henri (rassurez-vous, les noms ont été changés par l'auteur) ne sont décidément en rien les leurs, mais bel et bien ceux d'un dessinateur qui ne parvient que très difficilement à penser à autre chose qu'au cul. Pour un peu, Sattouf enverrait ses élèves de collège dans l'obligatoire boîte à partouze de ses autres oeuvres. Mais non, il n'ose. Tout juste se dessine-t-il en plein fantasme, en train de fouetter trois collégiennes posant lascivement, en string, à quatre pattes sur le bureau du professeur... C'est un brin de mauvais goût...

A part ça, le dessin en noir et blanc réussit bien à Sattouf : les expressions et les postures de ses personnages sont souvent désopilantes, tendant à la caricature, se laissant parfois influencer par le manga. On retrouvera les grands stétéotypes d'ados : le bellâtre, le cool riche, le refoulé, la nymphette, la bonne élève consciencieuse... ainsi qu'en bonus le "club des pédés". Tout ce beau monde se reconnaît à ces signes extérieurs de richesse que sont les grandes marques de fringues, les gadgets "tendance" (des iPods partout, chouette !). On attend avec impatience un album sur un collège de banlieue, pour voir à quel point les élèves y rejettent les marques, armés d'un mépris anticonsommateur... ... hum, hum... ...

Riad Sattouf réalise donc ici un travail assez inédit du fait de l'expérience qu'il a vécue. Pour ce qui est du fond, ce "retour au collège" n'est qu'un prétexte pour illustrer une nouvelle fois les obsessions du personnage central, un certain Riad Latouffe qui devient (négligence ?) Riad Sattouf en cours de récit.

96 pages, Hachette Littératures - 12,30 €
Un extrait de cette BD sur le site de l'éditeur
Un entretien avec l'auteur à propos de ce volume

Riad SATTOUF, Les Pauvres aventures de Jérémie (tomes 1 et 2), et Le Rêve de Jérémie (tome 3)

(BD) Le Chat a encore frappé

Tome 13 des élucubrations du Chat de GELUCK...

Un humour, un auteur et un personnage aujourd'hui connus de tous. Le trait paraît des plus simple, surtout lorsque le dessin reste monochrome. Traits d'esprits, aphorismes tendant vers l'absurde, sujets de société revisités, dédramatisés. L'humour noir, les gags grivois et la scatologie tiennent également bonne place, en particulier lorsque Geluck reproduit des images déjà existantes qu'il légende à sa manière.

Une savoureuse lecture de Noël, entre la bûche et le café...

48 pages, Editions Casterman - 9,95 €

20 décembre 2005

La Sixième

Cette fois-ci, j'ai dû abandonner : je n'arrive pas à lire une ligne de plus de cet auteur.

On retrouve ici les défauts du narrateur omniscient : cela sonne extrèmement faux, il n'y a aucun dynamisme, aucune psychologie au-delà du niveau des pâquerettes...

En outre, les 30 premières pages ainsi qu'un coup d'oeil en diagonale sur le reste de l'ouvrage me permettent de dire que l'intrigue est des plus ennuyeuse : cela va de l'emploi du temps de Margot à des considérations sur sa garde-robe, ou à son type de profs préféré... C'est probablement ainsi que l'auteur se représente l'esprit d'une élève de sixième.

Pour ceux qui accrocheraient à ce type de lectures, sachez que l'auteur a récidivé dans un second tome, où Margot Mélo (c'est le nom de l'héroïne, tout un programme...) est en classe de Terminale. Sinon, pour les longues soirées d'hiver, il y a le botin...

Même si le style de l'écriture paraît ici mieux affirmé, la langue plus travaillée, je crois décidément que le succès de Susie Morgenstern relève de l'erreur collective...

142 pages, éditions Ecole des Loisirs - 5,00 €
Les Deux moitiés de l'amitié
C'est pas juste
Alibi
Lettres d'amour de 0 à 10

Le livre qui sent le sapin

Comme vous êtes prof, vous êtes actuellement en vacances de Noël. Booon.

Comme vous aimez le polar, et que chaque année les fêtes de Noël vous donnent des envies de meurtre, c'est l'occasion rêvée pour vérifier si la lecture a sur vous un pouvoir cathartique... depuis le fond de votre canapé... éclairé(e) par la lumière intermittente de votre sapin clignotant... étendez les jambes... planquez la télécommande... vous n'êtes plus là pour personne... Trèèèèèès bien.

Alors, maintenant que l'ambiance est posée, dites, vous lisez quoi cette année pour Noël ?

:)

PS : Quelques idées par ici et par là aussi.

18 décembre 2005

Le poids des mots

Le premier sondage du Blog à Lire a apporté une conclusion inattendue : Arnold Schwarzenegger n'est pas seul à céder devant la lecture de certains ouvrages. Pour lui, en effet, Oui-Oui fait du sport reste philosophiquement et linguistiquement une oeuvre inabordable... Ooooh, ça va : c'est facile de se moquer !

Et vous, d'abord, avouez : quel est LE livre auquel vous ne comprenez rien, ne captez que dalle, pipez nada ?
Allez, hop ! aux aveux !

17 décembre 2005

Lettres d'amour de 0 à 10

Décidément, les romans de Susie MORGENSTERN se suivent entre mes mains, et je reste insatisfait...

L'HISTOIRE. Ernest est un héros à la Dickens : il est l'héritier d'une longue lignée d'ancêtres tous morts beaucoup trop jeunes, ou qui ont disparu sans crier gare. L'Histoire - et ses guerres - est passée par là, bien entendu. Ernest n'a ni père ni mère : sa mère est morte en lui donnant la vie, et son père a disparu trois jours plus tard, l'abandonnant à Précieuse, la grand-mère d'Ernest. Une femme qui ne se dérida pas durant les 10 premières années de vie d'Ernest. Pour preuve : chez elle, tout est sombre, les rideaux sont moches, on aime la cuisine fade, il n'y a ni télévision ni téléphone, et le dimanche on déchiffre interminablement les mêmes lettres arrivées du front au début du siècle... Mais au bout de 10 ans, par un heureux hasard, Ernest croise le chemin de Victoire, une jeune camarade de classe de son âge, plutôt extravertie. Accessoirement, Victoire est persuadée qu'Ernest et elle sont destinés. Leur mariage aura lieu dans 12 ans, 4 mois et des poussières, affirme-t-elle... Victoire et sa famille nombreuse, les Mortadent, vont aider Ernest à croquer la vie à pleines dents, jusqu'à l'improbable retour du père Morlaisse.

On le voit, l'histoire est plutôt bien tournée, à condition de n'être pas gavé d'ambiances à la Dickens. On retrouve peu ou prou le schéma de Oh, boy ! de Marie-Aude Murail. Plusieurs scènes sont attendrissantes, ou drôles.

... Mais c'est loin d'être aussi bien écrit que chez Murail :
- certaines phrases, tout d'abord, sont carrément incorrectes, ou incohérentes ;
- l'humour n'arrive jamais au meilleur endroit, ne nous surprend jamais, ne nous bouscule pas. Pas d'humour triste, par exemple ;
- le schéma narratif se déroule en faisant entendre ses gros sabots ;
- de façon générale, le ton est larmoyant, plein de bons sentiments, voire carrément dégoulinant de mièvrerie ;
- le point de vue omniscient ne "colle" pas du tout à l'histoire : lorsque le narrateur exprime les pensées ou les sentiments d'Ernest ou de Victoire, pour ne citer qu'eux, les systèmes de représentation du monde, de valeurs, de conceptions langagières sont complètement en décalage par rapport à l'âge supposé des personnages, ça ne "colle" pas et on décroche du passage en question.

Quelle déception : Lettres d'amour de 0 à 10 est annoncé à droite à gauche comme l'un des tout meilleurs romans de l'auteur... et ce n'est que ça ! Une histoire bien ficelée, sans plus, enrobée dans une posture romanesque mal maîtrisée et une langue pauvre, voire incorrecte.

Je ne dis pas que les élèves n'aimeront pas, car il semble qu'ils aiment déjà. Mais il y a très certainement d'autres oeuvres à leur faire découvrir en priorité. Je cite le speech de l'éditeur : « Avec "Lettres d'amour de 0 à 10", elle a obtenu un immense succès. Le livre a reçu une vingtaine de récompenses dont le prix Versele en Belgique et le Totem du Salon du livre de Montreuil. » N'hésitez pas à débattre par commentaires, car j'ai conscience que mon avis personnel, pour une fois, est assez catégorique...

210 pages, éditions Ecole des Loisirs - 8,50 €

Retour chez Susie MORGENSTERN
Susie MORGENSTERN, Les Deux moitités de l'amitié, C'est pas juste, Alibi et La Sixième

14 décembre 2005

Culture et culturisme

Suite à l'exécution hier matin de Stanley Tookie Williams, récemment nominé pour le Prix Nobel de la Paix, quel livre conseilleriez-vous à celui qui ne l'a pas sauvé : l'Honorable Gouverneur de Californie, alias M. Arnold Schwarzenegger ?

Faites vos propositions par commentaires sur ce billet...

13 décembre 2005

Alibi

Voici un court roman (novel) de Susie MORGENSTERN et Gill ROSNER. Deux frères (brothers), bons écoliers, tombent par un beau matin (morning) d'école (school) sur un paquet abandonné sur un trottoir (sidewalk, pavement). C'est la bouteille à la mer (english channel) de deux écoliers londoniens qui espèrent ainsi se trouver des correspondants français (french). L'artifice de départ (start) est donc bien un artifice, mais soit.

Nos deux héros français sont des petits gars entreprenants, voire intrépides : ils rebondissent sur cette trouvaille et projettent leur voyage en Angleterre. Aucun adulte n'est mis dans le secret de cette entreprise : ni les parents, ni le professeur d'anglais, M. Dangleterre.

Pour la suite, ouvrez le livre ! Il y est question de croissant (crescent), de tube, d'un certain Mr Frog et de questionnaires bilingues.

Susie Morgenstern gagne probablement ici à être accompagnée par une co-auteure : l'humour dans cette histoire vient relancer l'intérêt du lecteur, plusieurs fois, juste à temps avant qu'il ne laisse tomber... Finalement, cela reste assez plaisant et rapide à lire, et nos deux héros ont tout juste le temps de nous intéresser.

Alibi est le premier volume d'une série, qui se poursuit avec Europe Alibi et New York Alibi, des mêmes auteures aux mêmes éditions.

éditions Ecole des Loisirs - 5,20 €

Retour chez Susie MORGENSTERN
Du même auteur : Les Deux moitités de l'amitié, C'est pas juste, Lettres d'amour de 0 à 10, La Sixième

12 décembre 2005

Le Grand livre des questions et réponses de Charlie Brown...

... portant sur toutes sortes de bateaux, d'avions, d'autos, de trains et autres moyens de locomotion.

Une sorte de petite encyclopédie teintée d'américanisme primaire, offerte gracieusement par une "colleague" d'Angliche. Editée par Dargaud en 1982, ça fleure bon le collector...

En cours de lecture...

P.S. : Merci à ma "colleague" !



1982 - 159 pages, éditions Dargaud - 10,86 €

Du même auteur : Te voilà, Charlie Brown !, Les Amours des Peanuts, Snoopy & les Peanuts 1950/1952, Parfois, c'est dur d'être un chien !, Envole-toi, Charlie Brown et As-Tu jamais pensé que Tu pouvais avoir tort ?

10 décembre 2005

(BD) Parfois, c'est dur d'etre un chien

Un joli tome de Peanuts paru aux éditions "Hors collection" en 1998, et actuellement indisponible. Cette édition a au moins le mérite d'avoir publié plusieurs tomes de Charles M. SCHULZ sous leur titre U.S., sans céder à la mode infantilisante, chantalgoyesque à tendance brigittebardotique (et purement française) du "Snoopy qui a un grand coeur et qui est gentil, wouf wouf" (très pertinent quand on sait justement que Snoopy est un chien qui PENSE, et non un chien qui aboie)... Que voulez-vous ? Parfois, c'est dur d'être un chien !

On retrouvera dans ce volume quelques épisodes récurrents appréciés des connaisseurs : les randonnées de Snoopy avec Woodstock, Olivier, Conrad et Bill, les siestes de Patty, les attaques du chat stupide... En exclusivité, Patty se déguise en petite fille modèle, Charlie Brown rêve de gagner tout un championnat de base-ball, Woodstock organise une party pour le réveillon de 1980...

Une mise en page très soignée, non colorisée, somme toute beaucoup plus authentique que celle des albums parus chez Dargaud à la même époque. C'est épuisé, et c'est bien dommage : il n'y a plus qu'à aller fouiner dans votre bibliothèque de quartier !


1998 - 64 pages, Editions Hors Collection - épuisé

Du même auteur : Te voilà, Charlie Brown !, Les Amours des Peanuts, Snoopy & les Peanuts 1950/1952, Le Grand livre des questions et réponses de Charlie Brown, Envole-toi, Charlie Brown et As-Tu jamais pensé que Tu pouvais avoir tort ?

05 décembre 2005

Anastasia, demande à ton psy !

Anastasia reprend du service. Il ne s'agit plus vraiment d'une enquête "policière", comme c'était le cas dans Anastasia avec conviction, mais simplement d'un épisode rocambolesque de l'attachante héroïne de Lois LOWRY.

L'HISTOIRE. Anastasia doit préparer un travail scientifique, basé sur une expérience menée hors de l'école. Sujet libre. Mme Krupnik, la mère d'Anastasia, lui propose ses services pour réaliser un grand panneau illustrant le cycle de reproduction des batraciens... Anastasia décline méchamment ! Il faut dire que depuis quelques temps, Anastasia ne peut plus voir ni ses parents, ni son génie de petit frère en peinture. Il faut voir, aussi : imaginez que vos parents se mettent à se sourire l'un l'autre, que votre petit frère montre des signes évidents d'intelligence, le tout devant vos copines... la HONTE !!!
Eh oui, Anastasia vient d'avoir 13 ans : elle entre dans la phase 1 de l'adolescence. Ses copines sont plutôt passées dans la phase 2. C'est pourquoi l'une d'entre elles lui refourgue deux hamsters dont elle ne veut plus, car elle a depuis peu des préoccupations tout autres.
La reproduction des hamsters, en voilà un sujet digne d'un travail scientifique ! Sauf que Mme Krupnik est allergique aux rongeurs...

L'histoire est peut-être encore plus prenante et encore mieux écrite que celle d'Anastasia avec conviction. Lorsque Anastasia en vient à se demander si elle ne devrait pas visiter un psy, et qu'elle achète par hasard un buste de Sigmund Freud, à qui elle va confier ses états d'âme, on atteint des sommets dans l'humour décalé de Lois Lowry, et c'est un vrai régal. Les pages défilent, et l'on commence à se rendre compte qu'Anastasia est entrée dans notre tête. Il va falloir se faire offrir la collection entière à Noël, ce qui risque de ruiner Santa Claus...

Site (US) de l'auteur : Lois Lowry.com
1984, traduit en 1990 - 203 pages, éditions Ecole des Loisirs - 9,50 €

Retour chez Lois LOWRY
Du même auteur :
Anastasia avec conviction et Anastasia connaît la réponse

03 décembre 2005

Comment j'ai changé ma vie

Autour du thème musical et de l'épanouissement d'un jeune ado laissé pour compte, voici un chouette et court roman d'Agnès DESARTHE, par ailleurs traductrice émérite de Lois LOWRY aux éditions Ecole des Loisirs.

Voici le speech de l'éditeur : « Anton Kraszowski ne s’est jamais résigné à être malheureux à l’école, à subir les moqueries d’un maître imbécile qui passe son temps à le tourner en ridicule pour faire le malin devant les autres élèves. Il a toujours su que sa vie méritait mieux. Un jour, il ressent un déclic, un élan. Il traverse le boulevard pour la première fois et va lire la plaque de l’immeuble d’en face : Conservatoire National de Paris. Sur le trottoir, une dame lui adresse la parole en le regardant dans les yeux avec un sourire plein de petites rides merveilleuses. C’est une fée, un miracle, un professeur de musique. Elle chante, elle l’interroge, elle le teste, elle l’écoute, là, tout de suite, dans la rue. Anton a l’oreille musicale, le sens du rythme, il est l’élève qu’elle attendait depuis toujours. Elle se met à lui parler de piston, de cervelas et de serpent, qui sont des instruments anciens. Elle va jusqu’à lui déclarer qu’il a un beau nom, un nom de musicien. Et tout à coup, Anton se dit que ça y est, c’est le moment, sa vie va changer. Mais il ne peut pas deviner à quel point. »

Loin du cliché qui voudrait que la musique classique, par son austérité, sauve un enfant de l'exclusion scolaire (nous ne sommes pas dans Les Choristes...), on voit ici un jeune Anton se résoudre à sa nouvelle voie, non tant pour lui-même, que pour plaire à des adultes plus intéressants que ceux qu'il a croisés jusqu'ici. Une démarche romanesque plus fine que la moyenne.

2004 - 94 pages, éditions Ecole des Loisirs - 7,50 €

02 décembre 2005

Mes meufs de 5è

Drôle d'ouvrage que ce petit récit de 77 pages, écrit par Raphaël FEJTÖ et illustré par NADJA (la maman de l'écrivain... ).

Raphaël est passé par la sixième. Il s'était juré de sortir avec des meufs en cinquième. Et c'est chose faite ! Avec Flora, d'abord. Puis avec Agnès, la meuf de son pote. Enfin, last but not least, l'Américaine...

Un court récit à l'humeur très démagogique, comme en témoigne le vocabulaire "qui fait jeune". Or rien de plus ringard qu'un auteur trentenaire qui tente de faire jeune, non ?

Sur la couverture, ce n'est pas encore "meuf" qui choque : c'est plutôt le possessif. Eh oui : Raphaël, en cinquième a "ses" meufs. Il les possède, bien entendu. Comme un petit mâle.

Ce récit tourne ainsi à vide, dans une écriture plate. Il est illustré par la biomane de l'auteur, à coups de vilains petits canards. Une jeune cane aux yeux bridés parle sans conjuguer les verbes : « Elle sûrement sortir avec toi. Elle sortir avec n'importe qui. » Pas raciste, le cliché... Précision préliminaire de l'auteur : « "Sortir" veut dire rouler une pelle. »

... C'est beau...

1998 - 77 pages, éditions Ecole des Loisirs - 8,80 €

29 novembre 2005

Verte

Un roman de sorcières écrit par Marie DESPLECHIN.

Voici le speech de l'éditeur : « A onze ans, la petite Verte ne montre toujours aucun talent pour la sorcellerie. Pire que cela, elle dit qu'elle veut être quelqu'un de normal et se marier. Elle semble aussi s'intéresser aux garçons de sa classe et ne cache pas son dégoût lorsqu'elle voit mijoter un brouet destiné à empoisonner le chien des voisins. Sa mère, Ursule, est consternée. C'est si important pour une sorcière de transmettre le métier à sa fille. En dernier ressort, elle décide de confier Verte une journée par semaine à sa grand-mère, Anastabotte. Puisqu'elles ont l'air de si bien s'entendre. Dès la première séance, les résultats sont excellents. On peut même dire qu'ils dépassent les espérances d'Ursule. Un peu trop, peut-être. »

On pourra se lasser de voir l'histoire de Verte reprise pas moins de quatre fois ! D'aucuns diront que c'est l'occasion de faire étudier le changement de narrateur...

1996 - 180 pages, éditions Ecole des Loisirs - 7,50 €

27 novembre 2005

(BD) Snoopy & les Peanuts - 1950/1952

ILS L'ONT FAIT !!!

Comprenant avec un temps de retard sur Rivages poche l'intérêt des Peanuts dans le format original, Dargaud vient de publier le premier tome d'une longue et ambitieuse série. Pensez : il y a 50 ans de strips et de planches du dimanche à faire paraître, et les deux premières années occupent déjà un volume de 356 pages... :)

Il faut vous procurer ce volume, absolument superbe. Le plus beau livre qui puisse être pour tout inconditionnel des Peanuts qui se respecte. HISTORIQUE, rien de moins !

Il est passionnant de voir d'où est parti Charles M. SCHULZ. C'est ce que vous apprendrez lorsque vos yeux (d'enfant) tomberont sur les premières cases des strips où sont nés Charlie Brown, Shermy (au départ, c'est lui le "maître" de Snoopy), Snoopy, Violette (et ses sablés), Patty. Puis, au fil des mois, Lucy, Shroeder, Linus.

La narration, bien entendu, n'est pas encore ici aussi efficace ni aussi mature qu'elle le deviendra avec l'expérience. Pourtant, de nombreux strips portent déjà l'esprit des Peanuts, c'est-à-dire cette fausse innocence de gamins qui en fin de compte produisent un discours intelligent sur le monde dans lequel ils vivent. Le scénario se recentre très rapidement sur quelques idées, réexploitées à satiété. C'est une des forces de Schulz. Tout comme l'idée de mettre l'accent sur la profondeur de chacun des personnages. Cela apparaît très rapidement.

Evidemment, les lecteurs qui identifient au moins certains personnages des Peanuts à l'époque contemporaine (rappelons que Schulz a dessiné jusqu'au jour de sa mort, le 12 janvier 2000) devront ici apprendre à désapprendre, accepter qu'au-delà de Charlie et de Snoopy, les autres personnages n'ont pas encore tous pris leur apparence définitive. On pense en particulier à Patty, qui au début des années 50 reste une petite fille modèle, là où plus tard, lorsque son caractère s'accentuera, son apparence illustrera peut-être plus franchement certains traits récurrents de son caractère, comme sa paresse, son rejet du monde scolaire.

Au départ de cette aventure d'un demi-siècle de strips (il y a aujourd'hui un avant et un après Peanuts), seulement quatre gamins à la tête bien ronde et un chien, enthousiaste mais toujours muet : ce sont Charlie Brown, Patty, Shermy, Violette et Snoopy. Patty évoluera beaucoup, Shermy disparaîtra quasiment. Lucy arrive 7 mois plus tard, très proche de ce qu'elle continuera d'être (une chipie, caractérielle et grincheuse). Puis Shroeder, qui se voue rapidement au piano et à Beethoven. Puis Linus, qui n'a pas encore trouvé sa couverture au terme de 1952.

A venir dans Snoopy & les Peanuts, tome 2 : Lucy entame son flirt à sens unique avec Shroeder... La première pensée de Linus... Ses premières paroles... Charlie Brown perd sa 10 000è partie de dames... Premier match de base-ball sous la pluie... La séquence du "tournoi de golf" de Lucy dans un musée, où l'on apperçoit des adultes dans le décor (ce que Shulz regrettera longtemps)... Linus reçoit sa couverture... La brêve carrière de Charlotte Brown en tant que membre de l'équipe (eh oui, incroyable !)... Et l'arrivée de Crado !


TOME 1 : 1950/1952 - 356 pages,
Dargaud (traduction de l'intégrale Fantagraphics) - 29 €

Du même auteur : Te voilà, Charlie Brown !, Les Amours des Peanuts, Parfois, c'est dur d'être un chien !, Le Grand livre des questions et réponses de Charlie Brown, Envole-toi, Charlie Brown et As-Tu jamais pensé que Tu pouvais avoir tort ?

23 novembre 2005

Journal d'une institutrice clandestine

Un billet signé Pelouse

Je viens de lire Le Journal d'une institutrice clandestine de Rachel Boutonnet.

L'auteur est une jeune professeur des écoles en région parisienne, qui sévit depuis trois ans dans le giron de l'Education nationale. Elle "sévit", et "clandestinement", parce qu'elle a pris le parti courageux de ne pas suivre la ligne officielle des Instructions officielles des Inspecteurs et de l'IUFM. Elle efface soigneusement son tableau et recouvre les manuels de papier kraft pour cacher la méthode de lecture qu'elle emploie...

L'auteur reproduit d'abord le journal qu'elle a tenu lors de son année à l'IUFM. Elle cite les grands poncifs chers aux formateurs imbus d'eux-mêmes, qui n'ont plus mis les pieds dans une école depuis des lustres, qui s'écoutent parler dans un jargon abscons et qui commencent leur cours par la question "Qu'attendez-vous de cette séance ?" comme s'ils n'étaient pas capables eux-mêmes d'annoncer ce qu'ils sont en mesure de transmettre.

Ceux qui sont passés par là retrouveront le jargon de l'institution : à l'IUFM, on ne parle pas du "travail d'un élève", mais du "produit d'un apprenant", on ne dit pas "acquérir des connaissances" mais "construire des apprentissages".

On sait bien que tout corps de métier possède son propre vocabulaire, et cela ne pose pas particulièrement de problème une fois qu'on l'a adopté. Mais c'est gênant quand ces grands mots ne sont là que pour cacher l'absence totale de contenu concret : 6 heures au total dans l'année ont été consacrées à l'enseignement de la lecture, pas une à celui de l'écriture !
Les formateurs cherchent à inculquer aux stagiaires des démarches pédagogiques abstraites (puisque vides de contenu) tout en dénigrant celles qui avaient prévalu jusqu'alors et en méprisant ouvertement les enseignants qui appliquent ces dernières.
Quand les délégués font part au directeur de leur déceptions et de leurs attentes, ce dernier répond : "vous n'êtes pas capables d'évaluer ce qui vous sera utile ou pas dans ce que l'on vous propose."

Petit test : voici un extrait en langage iufémiste : à vous de le déchiffrer !

"Il faut toujours s'appuyer sur les conceptions des apprenants pour construire un savoir savant. L'enseignant doit analyser les conceptions initiales des apprenants. En règle générale, elles sont divergentes. L'enseignant doit alors organiser une confrontation entre les élèves. La discusion donne alors lieu à un "conflit sociocognitif" au terme duquel l'enseignant peut proposer un tableau à trois entrées : "nous sommes d'accord sur...", "nous ne sommes pas d'accord sur...", "nous nous posons des questions sur ...". C'est ainsi que l'enseignant aide les apprenants à formuler un questionnement qui précède la phase de manipulation et d'expérimentation, ou de lecture de documents qui pourraient répondre au questionnement".

Cela pourrait être drôle, mais ça l'est moins quand ce verbiage est érigé en dogme, prôné par les inspecteurs eux-mêmes. Exemple :
"Lire, c'est donner du sens" m'a expliqué (l'inspecteur). J'ai rétorqué que c'était plutôt comprendre pour moi. "Non, a-t-il répliqué, on dit : donner du sens".

Ca devient affligeant quand l'inspecteur n'évalue pas le résultat d'une année de travail avec des élèves, mais uniquement la démarche pédagogique choisie. En effet, la jeune professeur a choisi d'utiliser la bonne vieille méthode dite syllabique (b-a ba) et non la canonique méthode globale. Lors d'une inspection, elle se fait incendier par le représentant de l'Institution qui recommande au directeur de l'école de ne plus confier le niveau CP à cette jeune débutante qui vient de condamner selon lui toute une classe à l'illetrisme le plus profond. On est pourtant fin mars et tous les élèves de la classe savent lire...

Voici un témoignage de ce qui semble récurrent - pour ne pas dire permanent - dans la formation des professeurs : les stagiaires, mécontents et surtout déçus, demandent un réajustement des contenus. On leur répond qu'ils ne sont pas assez grands pour savoir ce qui est bon ou pas pour eux. De dépit, ils se replient, font semblant d'adopter le jargon, de se couler dans le moule en se disant qu'une fois titularisés, ils seront plus libres d'enseigner et qu'ils pourront vraiment apprendre à enseigner sur le tas, avec - parfois - l'aide des collègues...

Comment s'étonner alors que l'Education nationale soit taxée de "mammouth" ?

286 pages, coll. Ramsay Poche/Document - 7,50 €

20 novembre 2005

Les Deux moitiés de l'amitié

Dans ce court roman, Susie MORGENSTERN provoque la rencontre improbable de deux ados, Sarah Mayer et Salah Abdesselem, et décrit à travers eux la confrontation, dans un climat de tolérance propre à une France laïque, de la religion juive et de la religion musulmane.

Ce roman date de 1983, et l'auteur dans une curieuse prière d'insérer, s'excuse par avance de ce qu'à l'époque où elle l'a écrit, les téléphones portables n'existaient pas. Le sous-entendu : "... car sinon cette histoire ne pourrait être crédible". A vrai dire, on se demande encore pourquoi. Jugez par vous-mêmes :

L'HISTOIRE. La famille de Salah vient d'emménager dans un nouvel appartement, a priori mieux situé que l'ancien. Au milieu des cartons est posé le téléphone (fixe). Salah s'ennuie pendant que les adultes sont absorbés par leur remue-ménage. Alors il ouvre l'annuaire, commence à le parcourir, tombe sur la page des M., décroche le téléphone, compose au hasard le numéro des Mayer. Sarah décroche, elle accepte l'artifice, discute quelques minutes avec Salah. Le lendemain, Salah rappelle.
Curieuse façon de "rencontrer" un interlocuteur, qui pourrait nous faire penser aujourd'hui à ce que permettent les forums de Chat sur internet (et non les portables, qui ne changent rien à l'affaire, CQFD). Toujours est-il que Sarah et Salah, au fil de discussions nécessairement contrariées par leurs parents, vont devenir amis. Jusqu'à réussir à amener leurs deux religions à s'interroger l'une l'autre.

Le tout est traité par Susie Morgenstern sans un soupçon d'originalité ni de malice. Le maigre point opéré sur l'histoire des deux religions mises en scène ne suffit pas à bluffer le lecteur. Surtout lorsque "arabe" est mis en face de "juif", comme si "arabe" était une religion, ou "juif" une origine culturelle...

Bref, ça ne vole pas très haut. On a l'impression que l'auteur le sait bien, alors pourquoi inventer cette excuse du téléphone portable ? On se doute bien que le roman est réédité 20 ans après sa première parution tout simplement par opportunisme éditorial, sans aucune considération ayant trait au contenu ou à la qualité littéraire. Alors, franchement, bof !

Réédité en 2003 - 153 pages, éditions Ecole des Loisirs - 8,50 €

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Du même auteur : C'est pas juste, Alibi, Lettres d'amour de 0 à 10, La Sixième

C'est pas juste

Un roman de Susie MORGENSTERN destiné aux grands de l'école primaire.

Charlotte a décidé de devenir riche par ses propres moyens. La route est longue... On ne saura jamais exactement pourquoi (si ce n'est sans doute, tout simplement, par fascination pour l'argent), mais Charlotte veut être riche. Et le devenir vite. Ainsi s'invente-t-elle, durant une même année scolaire, des tas de professions successives, comme "porteuse de cartables" ou "snack à la récré", ou bien encore "taxi pédestre pour les petits de l'école". Le tout, répétons-le, pour l'argent. Aucune portée morale. Aucune leçon. Juste l'argent.

Je n'ai pas grand chose de plus à dire de ce livre, à part que l'emprunter me paraît superflu, sans parler de l'acheter...

140 pages, éditions Ecole des Loisirs - 5,50 €

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Du même auteur : Les Deux moitités de l'amitié, Alibi, Lettres d'amour de 0 à 10, La Sixième

19 novembre 2005

Anastasia avec conviction

Un roman de l'américaine Lois LOWRY qui met en scène un personnage récurrent, jeune ado détective : la fameuse Anastasia Krupnik. Notre héroïne vient d'adopter un chien, Limier, qui va indirectement propulser sa maîtresse dans un questionnement profond, empreint d'un sentiment de culpabilité, sur le système pénal américain. Presque surréaliste, si l'on y songe...

Le professeur d'Anastasia, M. Fransisco, s'est mis en tête d'entamer une série de cours sur les "valeurs". Daphné, Sonja et Meredith, les amies d'Anastasia, sont intéressées plutôt par le professeur que par ses questions. Pas Anastasia. Elle, elle a un visage de chouette, tout plat avec des lunettes cerclées de métal. Alors elle se cantonne à un rôle de première de la classe, et les discussions sur le "look" et la séduction lui passent vraiment au-dessus...

Ce qui captive l'attention d'Anastasia, c'est donc d'un côté son chien, qu'elle vient de baptiser Limier, de l'autre les questions presque existentielles du questionnaire de M. Fransisco. Exemple : imaginez qu'en renonçant à un jour de votre vie, vous puissiez offrir une vie entière à un petit chinois. Le feriez-vous ? Autre exemple : imaginez qu'en renonçant à une année de votre vie, vous puissiez donner une vie entière à un bébé américain, tout en sachant que ce bébé deviendra un criminel. Le feriez-vous ?

... A la première question, Anastasia répond plutôt non. A la seconde, plutôt oui... Peut-être parce qu'Anastasia, en termes de valeurs, hérite d'origines sociales plutôt favorisées : elle habite dans la banlieue chic de Boston. Sa mère publie des livres pour la jeunesse et son père est professeur de littérature à Harvard. Ce dernier, d'ailleurs, à la première question répond par une autre question : un chinois de Hong Kong, ou un chinois de Chine ? Il ne semble pas savoir que Hong Kong a été rétrocédé à la Chine depuis plusieurs années (cf le superbe film Chinese Box de Wayne Wang avec Jeremy Irons et Maggie Cheung). Bref, en termes de valeurs, Anastasia est une fille certes gentille et intelligente, mais née avec une cuillère en argent dans la bouche, au sein de l'aristocratie intellectuelle des Etats-Unis côte Est. De quoi voter John Kerry, en somme...

Récit d'une enquête toute tournée vers soi-même, cette aventure d'Anastasia exploite aussi tout l'humour des séries américaines. Il suffit pour s'en convaincre de constater qu'Anastasia, en postant malencontreusement une crotte de son chien dans une boîte aux lettres, va provoquer une paranoïa généralisée des services de police locaux, et même frôler l'entrée en scène de la police fédérale, le fameux FBI.

C'est dire s'il y a de l'humour et de l'américano-dérision chez Lois Lowry, qui signe là un roman réellement digne de figurer dans toute bibliothèque qui se respecte. Notons qu'Anastasia reparaît dans plusieurs autres titres de l'auteur, qui par ailleurs est surtout connue en France pour son roman jeunesse Le Passeur.

Site (US) de l'auteur : Lois Lowry.com
Paru en 2002 - 236 pages, éditions Ecole des Loisirs - 10,00 €

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Du même auteur :
Anastasia, demande à ton psy ! et Anastasia connaît la réponse

(BD) Le Reve de Jérémie

Troisième tome des Pauvres aventures de Jérémie, Le Rêve de Jérémie retrouve un peu de profondeur, après un deuxième tome décevant.

Preuve que Riad SATTOUF sait persévérer et rebondir, il ne lâche pas la série, au contraire, et réussit même à mettre en scène (en planches, plutôt) ce en quoi les aventures de Jérémie peuvent le mener dans des impasses.

Bien-sûr, tout ne change pas pour autant. Jérémie, sous l'influence de sa propre libido et de celle de son pote Jean-Jacques, est toujours aussi obnubilé par le sexe. Comme d'habitude, on emmène le lecteur dans les lieux (communs) présumés de la sexualité épanouie : la boîte d'échangistes, les endroits clos insolites (un avion, une maison lugubre). Mais parmi ces rituels qui se mettent en place entre Riad Sattouf et son lecteur, certains commencent à faire sens : les retrouvailles régulières dans un café, les scènes de fantasmes sexuels de la soeur de Jean-Jacques.

Dans ce troisième tome, Jérémie est amoureux d'une fille riche, héritière... et pilote d'avions. Alors il doit faire tous les efforts possibles pour se "ranger", arrêter de baver à la vue d'une grosse poitrine. Jean-Jacques et Jérémie apprennent qu'un de leurs amis de lycée vient de mourir. Son fantôme les hante un moment, lors des longues soirées passées dans le manoir inquiétant où vit désormais Jérémie. Au sous-sol du palace décrépit, des armes à feu : il n'y a pas de secret pour s'enrichir. Jean-Jacques doute de son talent de dessinateur de BD de science-fiction, après un festival où il croise des auteurs de BD engagés, dont un type très tendance qui a pondu un album sur la circoncision. Humour, humour... cet auteur, c'est Riad Sattouf himself, qui semble donc réfléchir à l'image de lui-même que donne son oeuvre très hétérogène. Intéressant.

Parmi les détails qui continuent d'énerver : les expressions des personnages qui parfois ne collent pas du tout à ce qui leur arrive, le choix du point de vue dans telle case, telle planche, et enfin et toujours les éternelles gouttes de transpiration qui accompagnent tous les personnages mal dans leur peau, c'est-à-dire... tous les personnages. Jérémie tend pourtant vers un certain équilibre, même fragile, vers la fin de ce troisième tome. Une sorte de fin annoncée de ses "jérémiades" ?


48 pages, coll. Poisson Pilote - 9,80 €

Du même auteur :
Les Pauvres aventures de Jérémie, tomes 1 & 2

18 novembre 2005

Oh, Boy !

Et encore un carton de M.-A. M. !

La fratrie Morlevent réunit quelques profils assez contrastés : Siméon en est jusqu'ici l'aîné, il a 14 ans, il est laid et surdoué (il passe le Bac cette année). Morgane, 8 ans, laide, surdouée et fréquemment oubliée. Venise, 5 ans, très belle et très conne.

Bon. Il faut avouer que, présenté comme cela, c'est un peu bizarre. Normal : c'est ainsi que Murail elle-même présente le tableau. Continuons : les trois enfants Morlevent ont vu leur père disparaître dans la nature il y a quelques années de ça. Non pas que ça ait constitué une surprise : il avait déjà planté ses deux foyers précédents dans le décor. C'est comme ça. Le problème, c'est plutôt quand la mère de Siméon, Morgane et Venise vient à se suicider en avalant des produits d'entretien. Les trois enfants sont placés illico presto en foyer. Alors que la juge d'instruction et l'assistance sociale se cassent déjà la tête pour tenter de trouver un foyer commun (pour ne pas casser la fratrie), surgissent un demi-frère et une presque-demi-soeur. Le premier, sorte de gigolo irresponsable, sans boulot, passionné de jeux vidéos. La seconde, ophtalmo, riche à en mourir d'ennui, convenablement mariée, et n'arrivant pas à avoir un enfant...

Josiane, pour ne pas la nommer, va donc tout logiquement faire une fixation sur Venise, cette petite fille très mignone, tombée du ciel comme un cadeau providentiel. De presque-demi-soeur, Venise pourrait devenir une petite fille modèle pour Josiane. Sauf qu'il y a les deux laidrons, Siméon et Morgane, qui semblent faire partie du même paquet. Pour le moment, Josiane les abandonne à Barthélémy, "Bart" pour les intimes, le demi. Bart ? Beau et con, comme Venise. Les deux filles sont sous le charme de leur nouvel aîné. Avec Siméon, ça coince un peu au départ.

Jusqu'à ce que le destin commence à s'acharner sur les Morlevent...

Marie-Aude Murail compose ici un roman particulièrement attachant, poignant bien qu'aussi drôle (sinon plus) que Ma vie a changé. Il y a du J. D. Salinger là-dedans, si l'on se souvient en particulier de l'idée de fratrie dans Franny and Zooey, ou encore de la tendresse de Holden pour Phoebe dans le mythique et inégalable Attrape-coeurs.

Mieux encore que pour Maïté Coiffure, on se dit que ce roman est composé comme un bon téléfilm sur lequel on aimerait tomber un lundi soir. Chacun des membres de la famille éclatée des Morlevent, et même les personnages secondaires qui les entourent, sont non seulement profonds, mais transpirent une sorte de vérité humaine toute simple. Les portraits d'Aimée (la "voisine du dessus" de Bart, véritable martyre), de Nicolas Mauvoisin (je ne peux pas vous dire qui c'est, sous peine de trahir le suspens), de M. Philippe (le Proviseur du lycée de Siméon) sont vraiment frappants. Venise est impayable lorsqu'elle transfère sur Barbie et Ken ses questionnements sexuels de petite fille. Bart, pitoyable dans les premières pages, finit en véritable héros, "Oh, Boy !"

Allez hop ! Lisez-moi ce livre, et que ça saute !

207 pages, éditions Ecole des Loisirs - 9,50 €
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Marie-Aude MURAIL, Maïté coiffure
Marie-Aude MURAIL, Ma vie a changé

16 novembre 2005

L'Or de Cajamalca

Un court récit très écrit et très poétique aussi, écrit par Jakob WASSERMANN et datant des années 1920/30...

Au mois de novembre de l'an 1532, trois cents hommes de l'armée espagnole, dirigés par le Général Francisco Pizarro, traversent la Cordillère des Andes. Ils viennent attirés par l'appât du gain (l'or des Incas), et sûrs de leur supérioté raciale dans la mesure où elle leur semble établie par la religion chrétienne. Du moins, par ce qu'ils vont en faire...

Rapidement, Atahualpa, véritable dieu vivant des Incas, est fait prisonnier. Une rançon inimaginable est réclamée en échange de sa liberté. Atahualpa, dans son aveuglement, ne veut pas prendre conscience du prix de l'or aux yeux des cupides Espagnols.

C'est le récit de cet épisode de captivité et d'incompréhension mutuelle que fait le chevalier Domingo de Soria Luce, aujourd'hui retiré dans un monastère de Lima, treize ans après les faits (la conquête sanguinaire du Pérou par la couronne d'Espagne). Non pas pour en condamner bêtement les erreurs, les atrocités. Mais aussi pour s'avouer fautif, se confesser.

Ce récit très prenant et très beau peut sans doute être exploité en classe de 5ème dans l'objet "les récits des grandes Découvertes du XVIème siècle". La langue peut paraître ardue, voire austère, mais c'est une manière d'éviter d'avoir à chercher, comme cela nous est demandé plus globalement, les « aspects positifs de la colonisation »... ...

91 pages, éditions Ecole des Loisirs - 5,50 €

15 novembre 2005

Ma vie a changé

Encore plus chouette roman de Marie-Aude MURAIL !!!
:)

Cette fois la narration de ce roman est à la première personne. Et quelle personne ! Une documentaliste de CDI en collège, la quarantaine, laissée pour compte par son mari avec un jeune ado sur les bras. Heureusement, elle ne manque pas d'humour, d'énergie, de répartie... ni surtout d'autodérision.

L'HISTOIRE. Il y a des jours comme ça où rien ne marche dans votre sens. Parfois, ça dure même deux jours... ou bien une semaine... La narratrice, ici, a vraiment la guigne. Son quotidien est déjà moche depuis un bon moment, rien de nouveau là-dessus. Simplement, c'est une question d'accumulation. Le jour où commence son récit, la narratrice s'oppose à son lot quotidien de "manque de pot", "pas de bol", "j'suis marron" :
- les embouteillages ;
- le principal du collège qui se montre de plus en plus hermétique à la modernité, et qui souhaite revoir apparaître sur les rayons La Légende des siècles plutôt que le dernier Moka (clin d'oeil de l'auteur à sa soeur...) ;
- son fils qui fait honte à son enfance bourgeoise en adoptant le langage et le comportement des petites teignes de sa classe ("Ta mère la pute" et tout le stock poétique habituel...) ;
- un elfe qui surgit de chez le voisin...
UN ELFE ?!?!!! Eh bien oui, un elfe, bientôt baptisé Thimothée, et qui va venir compliquer un quotidien déjà pas simple à assumer. Surtout quand Monsieur Logé-Dangerre, alias "Logé-dans l'cul", le prof de français des 5ème 4, devient de plus en plus réac et se met en tête de draguer la mère de Constantin...

Marie-Aude Murail réussit ici à laisser toute tentative de drame de côté, pour nous livrer une comédie à éclats de rire fréquents garantis. Le moment où l'histoire bascule dans l'irréel est très représentatif du genre, car il est précédé de signes obscurs. On s'identifie forcément à la narratrice, à son fils Constantin (pas si inintéressant qu'il s'en donne l'air), voire à Thimothée, l'elfe insolent et caractériel qui porte les habits de Ken aux USA et qui grandit trop vite...

Mu-rail, présidente !!!


181 pages, éditions Ecole des Loisirs - 8,00 €
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Marie-Aude MURAIL, Maïté coiffure
Marie-Aude MURAIL, Oh, boy !

Ensemble, c'est tout

Un billet signé Pelouse :

Depuis le temps qu'on m'en parlait : les amies, les élèves, ma mère, les magazines...

Encore un livre à conseiller à tous ceux - ou plutôt celles - qui ont envie de la jolie histoire d'un quatuor de personnages bien campés, très touchants : Camille, jeune femme qui s'abrutit à faire des ménages la nuit - pour ne pas penser à sa vie bancale et ne pas rencontrer trop de monde - n'a plus d'appétit à rien ; Franck, cuistot tout aussi abruti de boulot, mais mordu de moto, passe sa seule journée de libre avec sa mémé ; Philibert jeune aristo déchu, s'embourbe sans cesse dans ses bonnes manières et ses bégaiements, et une mémé comme toutes les autres, qui suit son rituel pour tuer le temps en attendant la visite de son petit-fils. Un quatuor de bras cassés qui se retrouvent à vivre dans un appartement que la Révolution et les Bleus n'ont pas saccagé : rideaux en cretonne, portraits d'aïeuls à lorgnons ou en costume de chasse à courre, baignoire Louis-Philippe.
Tout ce petit monde apprend à vivre ensemble, en s'échangeant les béquilles de temps en temps.

Dommage qu'Anna Gavalda n'ait pas mis la barre un peu plus haut pour son écriture. C'est agaçant cette façon d'oraliser l'écriture, de la ponctuer par des "hum" d'hésitation ou des "heho". Cette façon d'écrire me fait penser à ces productions de jeunes ados qui surchargent leurs lettres ou leurs rédactions de points d'exclamation, de suspension... !!! ... On attendrait plus d'efforts de la part d'un écrivain aguerri... !!! ...

Agaçante aussi cette absence de confiance qui amène plusieurs fois l'auteur à surligner les sentiments des personnages, à mettre des points sur les A, comme disait l'un de mes profs de version anglaise. Exemple, au tout début du roman : Paulette a fait un malaise, et se réveille en demandant "je suis morte ?". Sa bienveillante voisine pense la rassurer en niant. Paulette répond "Ah ?". Les trois lignes suivantes, soulignant le sentiment de déception et de touchante résignation de la vieille dame étaient-elles vraiment nécessaires ?

Bref, une jolie histoire de personnages attachants, que l'on a parfois du mal à quitter, mais on regrette le manque d'ambition dans le style d'A.G.

Fiche de l'auteur sur Evene.fr
573 pages, coll. J'Ai Lu - 8,00 €

Enterrez-moi debout

Quinzaine "On the Road" : « L'odyssée des Tziganes » d'Isabel FONSECA vient de paraître en 10/18.

Voici le speech de l'éditeur : « Pendant plus de quatre ans, de l'Albanie à la Slovaquie en passant par la Roumanie et la Hongrie, Isabel Fonseca a plongé au cœur de la culture tzigane et a appris à connaître sa langue et ses traditions. Elle dresse ici le portrait d’une culture fascinante et encore énigmatique, aux origines controversées, mais qui semble, elle, sûre de son identité : en romani, Manush et Rom ne signifient-ils pas « homme » ? »

Lecture en cours...

384 pages, coll. 10/18 - 9,30 €

13 novembre 2005

Faits d'hiver

Ex-RDA.
Jakob, 15 ans, est chez lui ; il attend sa mère. Sa mère ne reviendra pas à la maison ce soir, et pour tout dire Jakob ne la reverra pas tout de suite... La mère de Jakob a fait un choix. Un choix pour elle, pendant quelques heures, pendant quelques jours et quelques nuits.

Jakob retrouve son pote Stefan devant leur collège, fermé pour cause de grêve : le rapport Pisa vient d'être rendu, qui dénonce les tares du système éducatif allemand. En matière d'éducation, Stefan va amener Jakob à emprunter des chemins parallèles. C'est vrai : autant profiter de l'absence de sa mère pour faire autre chose qu'une séance de cinéma !

C'est Jakob qui parle.

Anna, 20 ans, parle aussi. Elle vient de revenir d'une année passée en France. Elle va apprendre que "l'amour de sa vie" est mort, sans que personne ait pensé à l'avertir. Elle va se forcer à arrêter de lui parler dans sa tête, elle va tirer un trait sur le "tu", pour passer au "il".

Lors d'une étrange soirée, Anna et Jakob croisent leurs regards. Jakob tente de s'attacher l'attention d'Anna, Anna combat son envie de protéger Jakob.

Faits d'hiver, d'Arnaud CATHRINE, est une sorte de double journal intime (sans traces de dates, pourtant) : il y a celui de Jakob, et celui d'Anna. Chacun ses problèmes, chacun sa sensibilité. Celle d'Anna, pour tout dire, sent bon sa collection Harlequin, au mieux Danielle Steel... La voix de Jakob n'est pas beaucoup plus évoluée : c'est un garçon de 15 ans qui a la sensibilité placée peu ou prou au niveau de la braguette. Très attachant, quoi. Presque sympathique.

L'auteur construit ici une fiction moderne sentencieuse, figée dans une adolescence peu crédible (sans doute inspirée de la sienne telle qu'il la voit depuis sa situation actuelle), bercée dans une atmosphère de drame (et quel drame : un jeune homme est mort, et une mère délaissée a une aventure sans lendemain). Tout ici est grave et affecté, aucune bouffée d'air, aucun humour, pas de perspective. Certains passages frôlent la caricature du téléfilm psychologisant à la française, façon "Les Inconnus" : « Tu peux PAS comprendre !... »

C'est pourtant avant tout un tableau de l'ex-RDA que veut nous proposer Arnaud Cathrine à travers le double auto-portrait d'Anna et Jakob. Mais l'univers créé par cette écriture est pauvre, froid, fantomatique. Comme si l'auteur s'était fixé comme objectif de décrire une forme d'étouffement, sans jamais aller au fond de son sujet. On reste dans un balancement néo-romantique, indéterminé et ennuyeux, qui est comme plaqué sur la vie citadine d'aujourd'hui. Une vie qui n'est pas à proprement parler une "école des loisirs"...

111 pages, éditions Ecole des Loisirs - 8,00 €
Site web de l'auteur

Maité Coiffure

Très chouette roman de Marie-Aude MURAIL !

Dans une atmosphère qui ne renie pas son influence téléfilmesque, le narrateur à la troisième personne nous emmène sur les pas hésitants de Louis, 14 ans, jeune ado timide dont tout le monde ignore le talent, à commencer par lui.

L'HISTOIRE. Louis doit trouver rapidement un stage d'une semaine en entreprise : c'est le collège qui le lui demande, comme à tous ses camarades. Son meilleur pote, à Louis, se fait gentiment pistonner pour entrer à "Radio Vibrations". Louis, c'est Bonne-Maman, sa grand-mère, qui va lui dégoter son stage... dans le nouveau salon de coiffure qu'elle fréquente, "Maïté Coiffure". Hors de question du point de vue du père de Louis, chirurgien de renommée de son état. Seulement c'est trop tard : Louis est déjà entré en contact avec le salon, et il s'est fait happé par l'humanité toute simple de la patronne, Maïté, et de son personnel. Parmi lesquels, Fifi, le coiffeur célibataire efféminé tant attendu de ceux qui aiment les clichés, Clara, la déesse qui aime se faire cogner par les mecs, Garance, l'apprentie insouciante. Cinq journées seulement pour accrocher, ou pas. Et Louis va carrément se prendre de passion pour la coiffure. Il semblerait même qu'il ait un don pour ça ! En plus, Louis cultive ses amours au salon... alors, lorsque son père découvre qu'on a fait tout ça dans son dos, il se braque, et ça exacerbe les passions de Louis. Est-ce que tout terminera bien ? Rien ne paraît moins simple.

Marie-Aude Murail compose ici un court roman à l'ambiance douce bien qu'empreinte de drame familial. L'humour est constant, et aide le lecteur comme les personnages à s'accrocher malgré l'arbitraire de l'action. Les personnages sont vraiment bien campés et pour la plupart attachants. La vie de Louis peut sembler exceptionnelle, mais il y a un peu de Louis chez beaucoup d'ados de 14 ans qui se cherchent. Dommage peut-être que la narration soit externe. Façon, sans doute, de "dramatiser" un peu plus, et de laisser la possibilité d'une issue fatale...

Entre Venus Beauté et Maïté Coiffure, le monde de l'esthétique et de la coiffure, aujourd'hui tant convoité par nos jeunes nymphettes adolescentes, nous offre décidément de quoi nous réjouir, de quoi nous distraire, de quoi nous éduquer aussi. Alors merci à Arte, et à Marie-Aude Murail.

177 pages, éditions Ecole des Loisirs - 9,50 €

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Marie-Aude MURAIL, Ma vie a changé
Marie-Aude MURAIL, Oh, boy !

10 novembre 2005

(BD) Les Amours des Peanuts

Les éditions Rivages poche (lien ci-dessous) nous proposent pour cette fois une compilation autour d'un thème choisi : celui de la Saint-Valentin. C'est vrai que Shulz a beaucoup exploité cette fête dans les Peanuts, peut-être à dessein parce qu'elle se distingue de l'autre fête évidente, Noël, qui parce qu'elle est religieuse exclut une partie du lectorat concerné. Schulz était paraît-il très croyant et pratiquant, mais à travers 50 ans de strips, il nous donne visiblement une petite leçon de laïcité, puisque sa foi ne transparaît à aucun moment dans son univers dessiné. Tant mieux !

Autre fête possible, qui appartient cette fois strictement au monde des Peanuts : la nuit de la Grande Citrouille (the Big Pumpkin). Là aussi, il y aurait une matière conséquente à compiler. Peut-être le sujet est-il écarté pour le moment parce qu'il tourne principalement autour d'un seul personnage des Peanuts, à savoir Linus ? Pourtant Rivages poche nous a aussi donné un Lucy psychiatre talentueusement préfacé... Alors, chères éditions Rivages poche, si vous me lisez, je glisse une idée, comme ça... The Big Pumpkin a même donné lieu à un dessin animé facile à se procurer sur les réseaux de P2P, avis aux amateurs !

Pour en revenir aux Amours des Peanuts, il n'y a rien de très particulier à en dire, si ce n'est que la compilation est faite avec honnêteté, et qu'elle est comme toujours chez Schulz très amusante et souvent profonde. En particulier, le thème de la Saint-Valentin permet évidemment de faire la part belle aux émotions amoureuses et aux premiers émois...


91 pages, éditions Rivages poche / Petite Bibliothèque - 5,00 €

Du même auteur : Te voilà, Charlie Brown !, Snoopy & les Peanuts 1950/1952, Parfois, c'est dur d'être un chien !, Le Grand livre des questions et réponses de Charlie Brown, Envole-toi, Charlie Brown et As-Tu jamais pensé que Tu pouvais avoir tort ?

08 novembre 2005

(BD) Te voilà, Charlie Brown !

Je tiens les strips de Charles M. Schulz pour un chef d'oeuvre inégalé dans l'histoire de la B.D. Si vous les avez découverts dans votre enfance en volumes au format A4, édités par Dargaud, il est grand temps pour vous de les redécouvrir dans leur format d'origine : un format quotidien, celui des quatre cases parues chaque jour dans la presse pendant 50 ans... jusqu'au jour même de la mort du père de Snoopy.

C'est la vaste et superbe entreprise des éditions Rivages Poche / Petite Bibliothèque que de nous republier, depuis quelques mois déjà, tous les dessins originaux traduits, en noir et blanc, et de les accompagner parfois d'un appareil critique loin d'être négligeable. Pensez ! Umberto Eco lui-même prend la plume pour préfacer l'un des volumes des Peanuts, affirmant qu'il s'agit là d'une "petite comédie humaine aussi bien pour le lecteur candide que pour le lecteur sophistiqué."

Ne faudrait-il pas d'ailleurs inverser l'ordre de deux mots là-dedans, et proposer plutôt d'y voir une "comédie des petits humains" ? Ce tome reprend les strips publiés en 1955 et 1956. Et bien entendu, ça ne parle absolument pas du monde que nous connaissons aujourd'hui... ... ...

Si vous m'en croyez, Snoopy peut changer votre vie ! Ne vous contentez pas du folklore chantalgoyesque, qui réduit l'oeuvre à des petites choses gentilles et naïves, exclusivement réservées aux bambins embobinés. Les Peanuts appartiennent à la même famille que l'impayable Mafalda de Quino : c'est du vaste Monde, bref de NOUS adultes qu'ils parlent !

Je n'ai pas fini de lire et de relire les aventures de Charlie Brown, Linus, Lucy, Schroeder, l'inimitable Peppermint Patty... sans oublier Snoopy, son meilleur ami philosophe Woodstock, ni Spike qui vit dans le désert avec un cactus... Le jour où j'aurai suffisamment lu et relu les Peanuts, et que je serai sûr de n'avoir pas perdu de mémoire une seule case de Charles M. Schulz, je pourrai mourir en paix, car je serai enfin sage.


108 pages, éditions Rivages poche / Petite Bibliothèque - 5,50 €

Du même auteur : Les Amours des Peanuts, Snoopy & les Peanuts 1950/1952, Parfois, c'est dur d'être un chien !, Le Grand livre des questions et réponses de Charlie Brown, Envole-toi, Charlie Brown et As-Tu jamais pensé que Tu pouvais avoir tort ?

06 novembre 2005

Zeropolis

Voici le titre qui a valu une certaine reconnaissance à son auteur, Bruce BEGOUT, pour la qualité de son analyse, mêlant investigation "ethnologique" et abstraction "philosophique" autour d'un thème moderne : Las Vegas...

Bruce Bégout abandonne ici la posture "participante" prise dans L'Eblouissement des bords de route, pour jauger son sujet "à distance". Tout en ayant mené visiblement l'enquête sur le terrain, il n'entre jamais ici dans la peau du joueur végasien, dindon de la farce orchestrée par les casinos et leurs néons. Lorsqu'il décrit le joueur, c'est du point de vue interne, mais sans cesser un instant de dire "il", pour dire "je", "nous", ou "vous".

Aussi lui est-il assez aisé de survoler les bassesses de Las Vegas sans avoir l'air d'y toucher. On est loin de L'Eblouissement des bords de route où l'auteur nous racontait des anecdotes fraîchement vécues et ressenties dans sa chair.

Tous les angles d'attaque sont traités l'un après l'autre : l'histoire de Vegas (documentation et chiffres à l'appui), les témoignages sur Vegas (de Tom Wolfe à divers journalistes, cités de façon "plaquée" en exergue des chapitres, ou repris mot-à-mot alors même que leurs témoignages datent de 40 ans...), le néon à Vegas (l'un des thèmes les mieux développés ici), l'architecture de Vegas, Vegas ville muséifiée de son vivant, etc.

Sur ce dernier point, comment ne pas voir d'ailleurs une allusion claire au Contre Venise de Regis Debray ? Même posture de l'intellectuel qui en est revenu, qui n'y touche pas, qui trouve ça vulgaire... Même a priori incroyable qui semble considérer que parmi les foules qui se ruent aux machines à sous, pas une seule autre personne n'envisage le phénomène par l'intellect plutôt que par l'instinct.

C'est exclusivement par l'instinct que le joueur végasien est abordé par Bruce Bégout. A force de "rester au-dessus", l'auteur survole littéralement le thème du jeu, que Dostoievski dans Le Joueur, Raymond Chandler dans Le Grand Sommeil, avaient bien mieux exploité en leur temps.

Intéressante voie pour la philosophie, peut-être, que cet essai mêlant tendance et décadence.
Sur le plan narratif, ça ne suffit pas longtemps au plaisir du lecteur, et bon sang que c'est ennuyeux de relire trois, quatre, cinq fois la même chose dans un texte d'à peine 125 pages...

125 pages, éditions Allia - 6,10 €

Du même auteur :
L'Eblouissement des bords de route
Aller à la Quinzaine "West Coast classics"

04 novembre 2005

(BD) La Légende de Robin des Bois

Vous connaissiez déjà le mythique Peter Pan de Loisel, voici le Robin des Bois, de Manu LARCENET. Oui, oui, encore et toujours l'omniprésent, l'envahissant auteur du Combat ordinaire, du Retour à la Terre ou des Cosmonautes du futur...

L'auteur vous réserve une surprise dès le bas de la première page : c'est un Robin des Bois pas tout à fait aussi fringant que celui de Disney que l'on retrouve ici. Pour tout dire, cette réincarnation du "Prince des voleurs" est atteint de la maladie "du sieur Alzheimer". Frère Jean, qui l'accompagne tel un admirateur servile, est là pour le ranimer lorsque son délire le submerge.

Se mêle à la thématique connue de tous (voler aux riches pour donner aux pauvres), ici, une véritable intrigue policière, mélangeant allègrement les genres et les époques. Ainsi du shérif de Nottingham, véritable cowboy hollywoodien évoluant - c'est surréaliste - dans une police française façon agent 212.

Pour des raisons qu'on n'explique pas, l'agent 212 apparaît justement au détour d'une page, ainsi que l'Adèle Blansec de Tardi, le professeur Tournesol d'Hergé, le Mickey de Walt Disney... Ces héros auraient-ils un lien particulier avec Robin des Bois ? Si c'est le cas, c'est au lecteur de deviner lequel...

Et c'est malheureusement cette impression de gratuité parfaite qui prend le pas sur l'originalité et l'humour de Larcenet dans ce tome. Pour l'humour, il est dans la lignée du Retour à la Terre, pour l'originalité, on pensera plutôt aux Cosmonautes du futur. Si ce n'est qu'ici, l'histoire est composée de courts épisodes successifs, tout de même reliés entre eux comme le sont ceux d'une série télévisée, mais qui n'ont ni l'efficace brièveté des strips, ni la longueur qui permettrait de construire une réelle "histoire".

Paru en 2003 - 48 pages, coll. Poisson Pilote - 9,80 €
Le Blog de Manu Larcenet se trouve par ici : http://tempsperdu.over-blog.org/

01 novembre 2005

(BD) Une jeunesse soviétique

Nikolaï MASLOV est un paysan né en 1934 en Sibérie. Vie ratée au service du régime soviétique : armée, vodka, chantiers, commerce, école d'art socialiste, vodka...

Sur le tard, il pousse la porte d'une librairie française, à Moscou. Le responsable de cette librairie, un certain "Manu", est aussi éditeur : il vient justement de publier le premier volume d'Asterix en russe. Maslov lui montre deux planches de ses dessins.

Manu est sur le point d'encourager Maslov et de le renvoyer à ses dessins, en attendant que l'album soit complet. Mais Maslov n'est pas venu pour ça. Et puis ce n'est pas possible : il est veilleur de nuit, le jour il faut qu'il dorme. Il gagne 300 $ par mois, il ne peut se consacrer à la BD.

Contre toute attente, Manu va verser 300 $ par mois à Maslov pendant près de 2 ans. Au bout de cette période, sous les regards dubitatifs de sa famille, Maslov signe un contrat avec les éditions Pangloss, et voilà Une jeunesse soviétique dans les bacs français...

L'action commence en 1971, pour se finir aujourd'hui. Entre les deux, un "bio-documentaire" époustouflant, l'histoire individuelle et collective de Nikolaï Maslov, brute de décoffrage. Le tout dans des nuances de gris.

Maslov ne connaît l'histoire de la BD mondiale que quelques planches de Corto Maltese aperçues en coup de vent chez Manu... Si Une jeunesse soviétique est l'oeuvre d'un ignorant, alors c'est aussi l'oeuvre d'un génie.

Le nouveau tome de Nikolaï MASLOV, Les Fils d'octobre : "La machine à rêver 1975-1987" vient de paraître chez Denoël Graphic.

Une lecture pédagogique d'Une jeunesse soviétique

31 octobre 2005

L'Eblouissement des bords de route

« Il n'y a qu'une possibilité de se sauver de la machine, c'est de l'utiliser.
Ce n'est qu'en auto qu'on arrive à soi. »

Karl Kraus, cité par Bruce Bégout

J'hésite un moment à inclure ce petit livret de Bruce BEGOUT dans la catégorie "Textes théoriques, essais". Car justement, Bruce Bégout est essayiste, spécialiste de la ville américaine contemporaine.

Les textes rassemblés ici pourraient passer pour des nouvelles, à ceci près qu'ils ne portent pas toujours trace de narration. La plupart d'entre eux partent d'un constat, d'un contexte, d'une chose vue, à partir de quoi l'auteur extrapole sur les comportements humains, les valeurs modernes, la symbolique des paysages urbains ou suburbains.

En philosophe, il embraye parfois sur une idée abstraite, une conception intellectuelle. Elle est toujours issue du tableau qui va suivre.

Au passage, quelques portraits mémorables, façon La Bruyère, ainsi qu'une dénonciation féroce des grands écueils de la civilisation américaine, qui est aussi la nôtre :

EXTRAIT n°1 : « Dans son tablier aux revers en vichy, en haut duquel bringuebale un badge beaucoup trop grand, la serveuse du diner file entre les tables, cafetière à la main. Son visage moucheté de taches de rousseur, oscillant entre les mines renfrognées et les sourires congelés, inspecte les alentours. Dépositaire de la culture de la route, elle prend son rôle au sérieux. Toutes les cinq minutes, machinalement, elle vient visiter chaque client comme s'il était son malade favori et lui propose pour unique remède du black coffee. Elle remplit ses missions avec une ferveur martiale : s'affaire en cuisine pour activer ses plats, nettoie les tables chromées tout juste abandonnées, jongle avec les assiettes sans l'ombre d'un hésitation. A peine avez-vous eu le malheur de reposer votre verre ou votre fourchette, de faire une pause entre deux bouchées, qu'elle se précipite à votre table pour voir si tout est OK. Il n'est pas donné à tout le monde d'accomplir une tâche répétitive avec le sourire de la première fois. Et pourtant elle s'y plie de bonne grâce avec la fraîcheur d'un désodorisant pour W-C. Son pourboire en dépend. »

EXTRAIT n°2 : « Dans la ville américaine, la rue est devenue route. Les immeubles et les façades ont été remplacés par des entrepôts et des enseignes. Les banlieues des grandes villes constituent à présent des galeries marchandes à ciel ouvert pour la classe moyenne, qui s'étend du sur-prolétariat vivant à crédit à la bourgeoisie décomplexée de sa situation précaire. Le contact charnel avec le macadam, les corps et les étoffes, la proximité olfactive et la densité sonore de la rue, l'intimité érotique ou insalubre des regards, tout cela a disparu derrière la cloison désensibilisée des automobiles. Le monde est devenu une sorte de drive-in où des serveuses aphasiques nous apportent sur un plateau la disgrâce de nos vies. Devant l'ordinateur, la télévision, derrière le pare-brise, les hommes moyens passent désormais leurs journées assis face à un écran à contempler ce qu'eux seuls voient et qui ne les regarde pas. Ils vivent un éternel présent, aux antipodes de toute éternité, qui absorbe les uns après les autres les instants vides et qui s'empresse de les jeter aussitôt consommés dans la poubelle de l'oubli où ces moments déchus ne formeront jamais un passé. Rassasiés de vide, ils errent dans la ville en quête de ce moment absolu qui calmerait pour un temps leur trop-plein d'incomplétude. N'importe quel mot, pourvu qu'il soit scintillant, fait l'affaire (...) Ils ne font confiance qu'aux spots électriques et aux vitrines illuminées qui décalquent sur leur chair le logo des marques. Leur pays natal, c'est l'ennui customisé, et ils réclament le droit de vivre éternellement en sursis. En toute innocence, ils manipulent des mots pourvus d'une charge à la fois magique et grossière qu'ils ne perçoivent pas. »

Une lecture-baffe-dans-la-gueule, loin pourtant d'être une leçon de morale, puisque Bruce Bégout conclut son ouvrage sur cette formule flaubertienne à souhait : « Cette sous-humanité morcelée et esseulée, c'est moi. »

139 pages, éditions Verticales - 8,50 €
Fiche du livre sur le site de l'éditeur : ICI.

Du même auteur :
Zeropolis

30 octobre 2005

Quinzaine "On the Road"

Ceux parmi vous qui ont suivi les trois premières Quinzaines littéraires le savent parfaitement : les grandes annonces ont souvent lieu le dimanche...

C'est un ENORME plaisir de vous annoncer la
Quinzaine "On the Road" !!!
:)

Allen Ginsberg durant un sitting "Beat"...

La littérature américaine est l'un de mes sujets de prédilection. Dans cet ensemble, les romanciers de la route me fascinent tout particulièrement. Et si l'on rentre encore un peu plus dans le détail, les écrivains de la Beat Generation occupent bien-sûr la place d'honneur.

J'ai découvert Sur la route de Jack Kerouac lorsque j'avais 15 ans. Depuis lors, c'est un des 2 ou 3 bouquins qui m'obsèdent le plus. J'espère vous faire partager cette passion le temps de cette Quinzaine, et pourquoi pas après aussi...

A vrai dire, le sujet me paraît tellement vaste et ambitieux - j'avais pensé un moment en faire un mémoire de Maîtrise, mine de rien - que je vais rallonger la Quinzaine. C'est donc bien une Quinzaine Perpétuelle que je vous propose, notez-le bien !

Au programme : des comptes-rendus de lectures liées à la route, des débats (grâce à votre participation que j'espère très active !), des extraits musicaux (tels les lectures de Kerouac de ses propres textes, eh oui, ça existe !), et toute une flopée d'images et de références bibliographiques, musicales, cinématographiques... Mon dieu ! dans quoi je me lance... :/

Le mois de novembre est traditionnellement ennuyeux à vomir. Cette année, prenez la route !

La (double) Quinzaine "On the Road", c'est
à partir du lundi 31/10/2005 sur le Blog à Lire.
Viendez nombreux et souvent :)


Carnets :
Jack KEROUAC, Vieil Ange de Minuit

Récits, romans :
Bruce BEGOUT, L'Eblouissement des bords de route et Zeropolis
John FANTE, La Route de Los Angeles et Demande à la poussière
Isabel FONSECA, Enterrez-moi debout : L'odyssée des Tziganes
Ernest HEMINGWAY, L'Etrange contrée
Jack KEROUAC, Tristessa et Sur la Route
Jack LONDON, John Barleycorn
Nicolas (moi, quoi... ), "Anywhere in the train"

BD :
Nikolaï MASLOV, Une jeunesse soviétique et Les Fils d'Octobre
Pascal RABATE, Les Petits ruisseaux
(Comic US) SETH, La Vie est belle, malgré tout
(Manga) Osamu TEZUKA, La Vie de Bouddha

Audio :
Jack KEROUAC, Come rain or come shine

27 octobre 2005

Tokyo Express

Je viens de découvrir avec beaucoup de curiosité et de plaisir un monument du polar japonais. Il s'agit de Tokyo Express, de Matsumoto, publié par les très belles éditions Picquier Poche.

Dans ce court polar, Matsumoto tisse un fil à la fois complexe et dépouillé de fioritures. Le "truc" qui marche drôlement bien, c'est l'idée de changer de personnage principal plusieurs fois d'affilée, sans pour autant jamais créer de confusion chez le lecteur, qui se contente de suivre l'action, constatant tout d'un coup qu'il ne suit plus le même personnage depuis 10 pages, mais un autre, qui auparavant ne lui paraissait que secondaire.

Sur ce principe, un présumé meurtrier et deux enquêteurs nous emmènent sur leurs pas...

Il y a d'abord Tatsuo Yasuda, un type apparemment banal, qui fréquente assidûment un bar à putes, le Koyuki. Le gars travaille pour un ministère. Il n'hésite pas à inviter des collègues de travail, voire des clients, à des soirées un peu spéciales...

Ensuite, il y a ce double suicide à Kashii, loin de là. Il y a deux lignes de train qui mènent de la capitale, Tokyo, à Kashii. C'est intéressant parce que le gars qui est mort, c'est un collègue de Tatsuo Yasuda, un autre employé du ministère. La fille, c'est une pute du Koyuki...

Il y a aussi deux flics, deux enquêteurs faits pour s'entendre. Le premier, c'est un vieux flic, Jutaro Torigai. Un gars à la Marlowe, mais approchant de la retraite. Plus le genre à distribuer des coups, ni à relancer pendant 20 piges la même enquête. Et pourtant, Jutaro Torigai a des doutes sur ce double suicide.

Il en fait part à Kiishi Mihara, notre second enquêteur et troisième personnage principal successif. Lui est plus jeune, plus déterminé, plus coriace. Lui non plus ne sent pas cette histoire de double suicide. Il écoute attentivement Torigai lorsque celui-ci lui exprime ses interrogations sur l'enquête.

Un double suicide, a priori, ça ne donne pas lieu à une enquête. Les deux corps ont été retrouvé sur la plage de Kashii, dans la baie d'Hakata, à huit minutes de marche des deux gares, qui se font face. A côté des corps, une bouteille de jus de fruits mêlé de cyanure. Bue. Vidée. Les corps ne sont pas froissés, il n'ont subi aucune violence. Ils sont posés là, calmement, l'un près de l'autre. Des amants, ces deux-là ? Yasuda l'affirme, lui qui les a vus quelques heures avant leur mort s'embarquer ensemble sur le quai de la gare de Tokyo.

Bizarre coïncidence, que Yasuda ait vu ça. Bizarre aussi qu'il ait été accompagné de deux putes de Koyuki qui ont vu elles aussi les amants s'enfuir vers leur "suicide". Quelle chance d'avoir des témoins !

Sauf que Kiichi Mihara, il n'y a rien à faire, la tête de Yasuda ne lui revient pas. Alors il va le présumer coupable, comme ça, à la gueule...

Une écriture limpide pour un roman court et haletant. Ce polar a consacré Matsumoto comme le meilleur écrivain de polars du Japon. Il s'est vendu à des millions d'exemplaires et est entré dans le cercle très fermé des polars légendaires de l'après-guerre.

N'oubliez pas d'aller jeter un oeil sur la Quinzaine "En-quête(s) des années 50" dans les archives !
Je pense par ailleurs que le titre Tokyo Montana Express, de Richard Brautigan, fait clairement référence au volume de Matsumoto, d'autant que Brautigan connaissait très bien le Japon.