25 juillet 2005

Poussières d'Amérique...

Ces derniers jours, j'ai encore découvert une nouvelle facette de Brautigan.

Dans Mémoires sauvés du vent, le narrateur me semble plus que jamais proche de l'écrivain. Les souvenirs d'enfance défilent, en une dizaine de pages chacun, bercés par ce refrain mélancolique :

« Mémoires Sauvés du Vent,
Poussières d'Amérique... »

Le jeune garçon vit avec sa mère, grâce à l'Aide sociale. Contrairement aux gamins de son âge, il n'écoute pas la T.S.F. tous les soirs... Il se lie d'amitié avec la fille du croque-mort, puis avec "le vieux", dont on dit qu'il a égorgé des milliers d'enfants avec son grand couteau (en réalité, un tout autre ustensile de cuisine, que le jeune garçon associera au plaisir bien plus qu'à la peur). Ce sont aussi les années où l'on découvre la mort, toute proche de soi.

Le narrateur replonge avec douleur dans l'épisode qui a déterminé (je ne dévoile rien ici...) toute sa vie. L'histoire d'un mauvais choix entre un hamburger et une cartouche de balles, en 1948. Le narrateur, de manière très obsessionnelle, va se plonger dans l'ethnologie du hamburger en terre d'Amérique. Et puis il y a ce vieux couple d'américains radoteurs qui viennent depuis deux ans s'installer pour quelques jours au bord de l'étang avec tous leurs meubles de salon, pour pêcher et "meubler le temps" :

« J'étais devenu si petit et si tranquille dans l'herbe qui bordait l'étang que c'était à peine si l'on aurait pu me remarquer ; c'est à peine si j'étais là. Je crois qu'ils m'avaient complètement oublié. Je restai assis à regarder leur salon qui brillait dans l'obscurité sur la rive de l'étang. On aurait dit un conte de fées qui fonctionnait gaiement au beau milieu du gothique ambiant de l'Amérique d'après-guerre, avant que la télévision ne fasse de l'imagination de l'Amérique une infirme et ne fasse rentrer les gens chez eux, leur interdisant de vivre leurs propres fantasmes avec dignité. »

L'écriture de Richard BRAUTIGAN se fait ici beaucoup plus "classique", plus soignée, plus "écrite", à la façon peut-être d'un Dylan THOMAS dans Portrait de l'artiste en jeune chien (rappelez-vous, c'est ce livre que s'échangent J. -P. Belmondo et Jean Seberg dans A Bout de Souffle de J. -L. GODARD). Les chapitres ne sont plus aussi courts que dans les livres drôles que sont Willard et ses trophées de Bowling, Un privé à Babylone, Le Monstre des Hawkline.

163 pages, coll. 10/18, superbe postface de Marc Chénetier - 6,40 €

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Richard BRAUTIGAN, Un privé à Babylone
Richard BRAUTIGAN, Le Monstre des Hawkline
Richard BRAUTIGAN, Retombées de sombrero
Richard BRAUTIGAN, Tokyo Montana Express

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