26 juillet 2006

Qui que quoi où quand ?

Au départ, le polar est lié aux faits divers, ceux qu'on lit tous les jours dans la presse régionale. Certaines histoires nous interpellent pour telle raison. Des auteurs s'en emparent et en font un récit complet, où l'imagination vient combler les lacunes. Ce polar là répond essentiellement aux questions suivantes : "qui a tué qui ? comment ? pourquoi ?"

Vient plus tard le sous-genre du polar "hard boiled". Dashiell Hammett et Raymond Chandler, aux U.S.A., en sont les deux principaux auteurs. Boris Vian en est l'importateur en France : il traduit Chandler, et écrit sous un pseudo, Vernon Sullivan, des polars d'inspiration américaine. Dans cette veine, c'est la personnalité de celui qui mène l'enquête qui est au centre même de l'histoire. Ainsi Chandler crée le mythique Philip Marlowe, incarné virilement à l'écran par Humphrey Bogart. La figure centrale du polar "hard boiled", comme son nom l'indique, est un "dur à cuire". La plupart du temps un détective privé. Sorte de renouvellement des mercenaires du mythique far west. C'est-à-dire des gars en quête d'argent et qui sont prêts à cogner, car ils ont vendu leur âme au diable dans une vie antérieure... On est loin du propret Sherlock Holmes, qui résolvait ses énigmes depuis le bureau de son logement bourgeois.

Aujourd'hui, plusieurs voies pour le polar :
- le polar français me semble suivre plus ou moins la veine "hard boiled", en créant des héros récurrents qui sont des gars (et parfois des filles) implacables. Maigret, Julie Lescaut, même combat. On trouve également des polars "dont vous êtes le héros", c'est-à-dire des récits où l'enquête est menée par un individu lambda, projeté dans la tourmente contre son gré. L'Homme à l'oreille croquée de Jean-Bernard Pouy en est un bon exemple.
- le polar américain se perd pour l'essentiel dans la veine des "thrillers politiques". Il faut à tout prix que le récit tourne autour d'une conspiration. On frôle du coup les clichés qu'on croyait révolus depuis la chute du mur de Berlin... Beaucoup d'auteurs plus originaux existent aux U.S.A., mais je ne crois pas qu'il y ait réellement de tendance collective.
- à travers certaines collections (je pense aux "Grands Détectives" chez 10/18), on a créé de toute pièce un sous-genre du polar : le polar historique. La préoccupation de ces récits est de mettre en scène des héros récurrents, pour des motifs éditoriaux. Les questions qui se posent sont "quand" et "où", et le lecteur est censé s'extasier sur la documentation de l'auteur. Cocaïne et tralala participe à cette vogue.

Enfin, de tout temps et comme dans tous les genres littéraires, une veine ironique accompagne le chemin du polar. Elle a pour vocation d'utiliser les ressorts du genre, tout en détournant certaines valeurs idéalisées. Ainsi les privés deviennent des loosers, des anti-héros très peu recommandables qui se font cogner sévèrement, et ne résolvent leurs enquêtes que par accident. Un privé à Babylone et Pulp sont deux exemples très bien écrits. Les oeuvres d'un Kaminsky appartiennent aussi bien au polar ironique qu'au polar d'époque.


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