29 janvier 2007

Histoires d'hommes

Si je vous dis "Histoires d'hommes", honnêtement, vous pensez à quoi ?

Eh bien ce ne sont pas des histoires de comptoir, des histoires de conquêtes, des histoires de cons, non. Ce ne sont pas non plus des blagues de mecs, blagues à tabac, blagues de cul, non.

Histoires d'hommes, c'est le monologue d'une femme désabusée, "revenue" des hommes, et qui les aime encore. Elle peut avoir trente-cinq ou quarante ans, peut-être plus ? Elle a vécu des histoires d'hommes. Avez-vous remarqué qu'un homme qui collectionne les femmes est un Dom Juan, alors qu'une femme séductrice est une salope ?

Ces soixante-dix pages sont composées de cinquante six textes assemblés par Xavier DURRINGER, allant d'une simple phrase à trois ou quatre grandes pages pleines. Dans un cas comme dans l'autre, la parole est délivrance : elle a un certain débit, elle coule de source. Parfois des scènes entières ressurgissent du passé, et les dialogues entre l'homme et la femme. Mais sans rompre le fil du récit.

Histoires d'hommes permet vraiment une infinité de mises en scène. C'est un texte théâtral, mais il n'y a pas de liste de personnages. Pas d'actes et pas de scènes, plutôt des épisodes. On pourrait imaginer ces Histoires d'hommes jouées par toute une galerie de femmes, de la plus jeune à la plus âgée, de la plus amoureuse à la plus aigrie.

Finalement, malgré le plaisir à lire certains passages, malgré la truculence parfois, mon seul souci avec ce texte est que je le trouve infiniment banal. Non pas simplement parce que les "histoires d'hommes" sont banales, mais parce qu'elles sont dites la plupart du temps de façon un peu plate, sans style particulier, et même avec complaisance. Bref, je n'arrive pas à me sentir concerné.

Les Monologues du vagin, joués dans le monde entier et sans cesse repris sur les scènes d'amateurs et de professionnels, étaient en 1996 le résultat de deux années d'enquêtes de l'auteure, Eve Ensler, auprès de toutes les catégories de femmes possibles et imaginables. Le texte est basé sur une prise de position presque politique : « Je dis VAGIN parce que je crois que ce qu’on ne dit pas devient un secret, et dans les secrets souvent s’enracinent la honte, la peur et les mythes (…) Je dis VAGIN parce que je veux que cessent les mauvais traitements et je sais qu’ils ne cesseront pas tant que nous ne reconnaîtrons pas le fait qu’ils continuent. »

Créé en 2002, à quoi rime exactement Histoires d'hommes, ce texte en cinquante six morceaux écrit pour des femmes... par un homme ?


70 pages, éd. Théâtrales - 13 €

28 janvier 2007

(BD) Kitsune Udon

Vous connaissez la collection des "Miniblogs" lancée par Miss Gally ? Voici l'une des découvertes de la série : ça s'appelle Kitsune Udon et c'est l'œuvre de Nancy PEÑA.

Au premier abord, le fin volume pose une ambiance "Japon-des-samouraïs". Une jeune femme au bord d'une rivière, un renard approche dans l'obscurité derrière elle... L'atmosphère est glaçante, le dessin et les couleurs très soignés.

Je ne peux pas vraiment vous en dire plus : comme chaque volume de la collection ne compte que quelques pages, ce serait tout vous raconter !

A la fin, c'est le principe, vous trouvez une adresse, celle de dangerpublic.net, et un code qui vous permet d'accéder à une suite. Dans le cas de Kitsune Udon, c'est... inattendu ! Et drôle.


15 pages, coll. Miniblogs - 1 €

24 heures de la bande dessinée

Dans le cadre du Festival International de la Bande Dessinée à Angoulême, le président de cette édition 2007, le bien connu Lewis TRONDHEIM, a lancé une manifestation toute nouvelle : les 24 heures de la bande dessinée !!

Il s'agissait pour chaque participant de produire une bande dessinée de 24 pages en 24 heures. 26 auteurs dessinateurs s'y sont essayés, et le résultat se trouve par ici.

J'ai particulièrement aimé les prestations de Boulet et Erwann Surcouff, deux "blog-auteurs" que vous pourrez lire assidûment en cliquant sur les liens proposés ci-contre...

Alors vive Angoulême, vive les (et non la) B.D., et vivement l'an prochain pour qu'on voie si le successeur de Trondheim parvient à se faire détester autant que lui cette année... ...

27 janvier 2007

Chiffres et lettres

Plus de 20 000 visites, 250 billets... et le retour des commentaires, avec un changement de look imposé par Blogger. Qu'en pensez-vous ?

26 janvier 2007

(BD) Or Else #3

"Or Else" est une sorte de fanzine créé par Kevin HUIZENGA et édité par Drawn & Quarterly aux Etats-Unis.

Dans ce numéro 3 de la série, paru au printemps 2005, Kevin HUIZENGA compile des histoires composées à des époques très différentes. La première d'entre elle est arrivée le 6 mars 1999 ; c'est inscrit comme dans un journal intime. La seconde, « happened nov. 2000, (re)drawn feb. 2005 »

Même si les dates n'étaient pas données, on perçoit nettement le "time travelling" de ce numéro à travers l'évolution du trait. Le style de Huizenga paraît en effet s'affirmer entre deux histoires. La (dé)composition de la case et la "mise en scène" graphique de l'intrigue deviennent plus sophistiquées. Le monologue intérieur devient franchement récurrent. Le personnage de Glenn Ganges peu à peu surgit, à partir d'une galerie de personnages initiaux.

Les sources d'inspiration, elles aussi, paraissent variées : le quotidien autobiographique de Glenn Ganges, bien-sûr. Mais aussi un épisode du journal de Kafka, un souvenir d'enfance, ou bien le destin de deux vieux qui passent lentement collés l'un à l'autre dans la rue, anonymes...

L'histoire centrale, "I stand up for zen", est très réussie. Elle évoque un petit boulot minable occupé par l'auteur il y a quelques années. Il travaillait sur ordinateur dans une boîte qui vendait des bracelets formés d'un fil et de perles en plastique. Or cette boîte tenta de vendre les précieux bijoux, fabriqués en Asie par des ouvriers exploités et probablement pas en âge de travailler, en suggérant de façon purement commerciale que leur produit est "fashionably zen". Et cela, dans des proportions bientôt irraisonnables, pose un cas de conscience au narrateur et personnage principal...

La toute fin de ce numéro de "Or Else", sur la couverture intérieure, est consacrée à un petit "cours" d'histoire de la B.D. : Kevin Huizenga s'intéresse à Arthur Floyd Gottfredson, l'une des plus talentueuses plumes du "Daily Mickey Mouse comic strip" au début du XXè s. Ce qui l'intrigue, c'est cet océan de gouttes de sueur qui entourent le visage de Mickey en toute occasion. Je ne vous dévoile pas la conclusion de Huizenga, mais ça m'a rappelé ma hantise de Riad Sattouf, liée exactement à la même manie.

Allez, qui est pour que Riad Sattouf fasse renaître le Daily Mickey Mouse comic strip ? Pour le strip, a priori, ça devrait l'inspirer... Et puis comme ça, on saurait enfin si Minnie est le genre de souricette à fréquenter les peep shows...

Je vous incite à découvrir sur le blog de l'auteur, de nouveau mis à jour régulièrement, ses derniers travaux en cours, dont le prometteur "Trouble sleeping" sur les jeux videos comme substitut de vie sociale et comme fuite de la réalité. Dernièrement, Huizenga propose même des planches originales à l'achat. Les prix sont... intéressants à regarder !


41 pages - actuellement épuisé
Format 10 x 13 cm environ - à feuilleter ici
La boutique de Kevin Huizenga sur uss.catastrophe.com

20 janvier 2007

(BD) Or Else #2

"Or Else" est une sorte de fanzine créé par Kevin HUIZENGA et édité par Drawn & Quarterly aux Etats-Unis.

Dans ce numéro 2 de la série créée à l'automne 2004, c'est de nouveau le personnage autobiographique Glenn Ganges qui est au centre de l'histoire. Celle-ci est constituée d'épisodes portant chacun un titre : "Wendy Caramel Ganges : at work", "The groceries", "The sunset". Suit un petit complément intitulé "Basketball" qui raconte l'amour du père de Glenn pour ce sport.

Le volume est intitulé "Gloriana" par contraction de Gloria, la sœur de Wendy, et d'Illiana Christian High School, lieu où le père de Glenn vit sa passion pour le basket.

Des contractions, il en est question dès les premières planches, justement. Car ce numéro 2 de "Or Else" met en scène des moments de l'époque ou Glenn et Wendy attendent leur premier enfant. En revenant des courses, dans la première histoire intitulée "The groceries", Glenn a un moment d'absence en fixant le ventre arrondi de sa conjointe : il s'imagine le soir de l'accouchement, les nuits qui le fatiguent, les premières vocalises du bébé, puis il se voit plus tard, avec son fils, en train de lui apprendre à faire du vélo... Glenn revient à la réalité, et c'est au tour de Wendy d'imaginer sa fille, qui grandit, qui joue avec son père, qui évite de justesse la chute d'un saladier du haut de la bibliothèque du salon, le saladier offert par une vieille tante... Glenn et Wendy se dévisagent un moment, perplexes... « Maybe we should sell it on "eBay"... ». Plus tard, à table, Wendy raconte à Glenn son coup de fil à Gloria. Sa jeune sœur se rebiffe contre leur mère. Le motif : son copain n'est pas accepté dans la famille. Alors elle menace de partir à Phoenix, Arizona pour se marrier avec lui et s'installer là-bas, laissant entendre qu'elle est enceinte.

A cette histoire de famille très quotidienne et qui sonne "vraie" succède l'épisode hallucinatoire intitulé "The sunset", où Glenn, revenant de la bibliothèque (il s'y rendait dans "Time travelling"), trouve ses voisins sur la rue, hébétés et appeurés par la lune rousse qui se lève dans l'axe de l'allée résidentielle. Il se met à leur expliquer le phénomène, recrachant toutes les explications scientifiques qu'il a lues ou entendues pour contrer la superstition de ses voisins. Ils interprètent la lune rousse comme un signe (annoncé dans la Bible) de la fin des temps, et cela le met mal à l'aise.

"The sunset" donne l'occasion à Kevin Huizenga de dessiner plusieurs planches consécutives qui sont la représentation parfois tordue, parfois très organisée des images mentales de Glenn Ganges. Les autres histoires sont plus légères et plus digestes.

Je vous incite à découvrir sur le blog de l'auteur, de nouveau mis à jour régulièrement, ses derniers travaux en cours, dont le prometteur "Trouble sleeping" sur les jeux videos comme substitut de vie sociale et comme fuite de la réalité.


100 pages avec une double page à déplier - D. & Q. mars 05 - 6 $
Format 10 x 13 cm environ - à feuilleter ici
La boutique de Kevin Huizenga sur uss.catastrophe.com

19 janvier 2007

Dans le train, épisode 7

« Suite à un incident caténaire, vous allez passer une heure trente à quai avant qu'on vous suggère de monter à bord d'un autre train. Vous ne rentrerez chez vous qu'à 22H45, alors autant prendre un bouquin. »

Quand c'est la S.N.C.F. qui vous le propose si gentiment, pourquoi ne pas découvrir Une belle journée, un recueil de nouvelles du Norvégien Tarjei VESAAS ? L'auteur, né en 1897 et disparu en 1970, paysan de son état, a écrit ici huit nouvelles de quatre à vingt pages chacune, extraites du recueil Ein Vakker Dag.

Les thèmes sont très variées et les intrigues, simples, conviennent bien au genre. Les personnages sont très peu nombreux mais sont tout de suite attachants. Les moments choisis sont souvent incongrus : une compétition amicale de saut en longueur entre Kåre, Lina et Tippen dans "Tombe-l'herbe", une chasse à l'élan dans "L'aventure", les moments qui suivent une mort soudaine dans "Japp", etc.

Les descriptions sont relativement courtes, le style paraît plutôt dépouillé mais sans être sobre jusqu'à l'ennui, au contraire. Les dialogues sont très vivants et montrent en l'espace de quelques répliques courtes des personnalités originales. Tarjei Vesaas maîtrise l'art de la chute comme un J.D. Salinger.

Je n'avais jamais entendu parler de cet auteur, et je découvre avec ce recueil de nouvelles une œuvre que j'estime de tout premier plan.


121 pages, éd. Le Passeur 1997 - indisponible

14 janvier 2007

Le Tartuffe

Eh oui, les classiques sont en minorité sur ce blog, mais il ne faut jamais dire jamais !

MOLIERE (1622-1673) a écrit Le Tartuffe en trois temps : en 1664, c'est une comédie de moeurs, en trois actes, qui se termine sur la victoire de l'hypocrite. La monarchie est double à cette époque en France : Louis XIV tente de régner seul, mais n'y parvient pas. La "vieille cour" s'oppose à ses moeurs modernes et débridées, à ses réceptions fastueuses, à ses infidélités notoires. Dès la première représentation de la nouvelle pièce de Molière, pourtant protégé du Roi et de son frère, des groupes religieux influents, parmi lesquels la fameuse "Compagnie du Saint-Sacrement", font sauter la pièce, jugée trop incorrecte parce qu'on peut y reconnaître trop de gens de la cour.
En 1667, Molière tente à nouveau de faire passer son œuvre au public. Il l'a remodelée en 5 actes, le format qui convient le mieux aux tragédies ainsi qu'aux "comédies sérieuses", celles qui traitent de questions morales, religieuses ou politiques. Tartuffe est devenu un gentilhomme, il a quitté ses habits de religieux. Ça n'est plus Tartuffe, ou l'hypocrite, mais Panulphe, ou l'imposteur. Mais ces changements ne suffisent pas. La cour n'est pas encore prête.
En 1669, enfin, Louis XIV est vraiment seul maître à bord. Molière peut reprendre une dernière fois sa pièce, y apportant peu de changements, appuyant peut-être un peu plus lourdement l'hommage final rendu au Prince justicier. La pièce est donnée au public, et connaît immédiatement un succès depuis lors jamais démenti.

Cette comédie sérieuse, composée en alexandrins, est aujourd'hui un peu intimidante à lire ou à voir. La syntaxe fait parfois écran, le lexique est plus riche et plus précieux que celui de Dom Juan, composé en 1665 en prose. Il faut dire aussi que le sujet principal de Dom Juan est la tromperie amoureuse. C'est la tromperie la plus simple qui soit, elle n'est pas aussi élaborée que les plans compliqués que Tartuffe met en œuvre pour arriver à ses fins, et passer du statut de gueux à celui de propriétaire bourgeois.

La composition de la pièce est plutôt simple, même si elle peut paraître déroutante vis-à-vis des normes qui présidaient à la composition des pièces à l'âge du Classicisme. En effet, on ne sait jamais vraiment quel est le sujet principal de cette pièce, hormis le fait que toutes les intrigues passent par le personnage de Monsieur Tartuffe. Dans l'ordre, donc :
- l'acte I expose la situation. La famille d'Orgon est en pleine discorde à cause d'un personnage qu'Orgon et sa prude mère, Madame Pernelle, ont accueilli chez eux et semblent préparés à défendre envers et contre tous. Elmire, la femme d'Orgon, tente de le raisonner, mais rien n'y fait. Cléante, le frère d'Elmire, malgré un sens subtil de l'argumentation, n'y parvient pas mieux. Dorine, la servante, libère toute l'ironie dont Molière est capable... mais son rang ne lui donne aucune influence. A la fin de l'acte, Mariane, fille d'Orgon, a tout lieu de s'inquiéter au sujet de son amant Valère, parce qu'Orgon semble avoir changé d'idée sur leur mariage...
- l'acte II sert avant tout à introduire Tartuffe en scène. On nous en parle depuis un acte, on voit le résultat de sa présence chez Orgon, mais on le l'avait pas vu de tout le premier acte. Même phénomène, moins accentué, dans Dom Juan : l'arrivée du personnage éponyme marque le passage à l'acte I scène 2, après une scène d'exposition entièrement menée... par deux valets !
- dans l'acte III, Tartuffe commet la faute qui le perdra en tentant de séduire Elmire. Damis, fils d'Elmire et frère de Mariane, est là qui assiste à la scène. Fougueux, et en voulant à Tartuffe parce que l'annulation du mariage entre Mariane et Valère n'augure rien de bon pour le sien, Damis décide de dénoncer sans plus attendre l'imposteur à son beau-père Orgon. Mais celui-ci n'y croit rien, et c'est Damis qu'il met dehors. Renforcé dans sa foi en l'imposteur, Orgon précipite son mariage avec sa fille Mariane, et réécrit son testament, léguant immédiatement ses biens et son logis à Monsieur Tartuffe.
- l'acte IV est celui de la révélation pour Orgon. Elmire met en place un stratagème pour qu'Orgon prenne conscience par ses propres yeux de l'imposture du Tartuffe. Elle met ses charmes en avant, et son mari sous la table, pendant que Tartuffe avance et pelote. Orgon finit par sortir de sa cachette, outré. Il va pour mettre Tartuffe dehors, mais celui-ci lui promet la réciproque : par les promesses écrites de l'acte précédent, n'est-il pas en effet chez lui de bon droit ?
- l'acte V est entièrement consacré à tenter de résoudre un problème qui ne peut être résolu. La situation empire même pour Orgon lorsque Valère vient lui annoncer que Tartuffe est parvenu à lui envoyer l'huissier, qui ne saurait tarder à faire appliquer le contrat de cession. Mais à la toute fin, par un deus ex machina unique en son genre, le Roi envoie l'exempt rétablir l'ordre en son royaume, emprisonner Tartuffe et restituer par son ordre son rang et ses biens à Orgon.

Comme on l'aperçoit à travers ce résumé, Le Tartuffe est en fait une succession de plusieurs types de pièces, ayant chacune leur propre intrigue. L'acte I est une comédie de mœurs traditionnelle, où l'on voit une famille déchirée par l'opinion différente que les uns et les autres portent à un personnage étranger et nouvellement arrivé. L'acte II est le prototype même de la comédie amoureuse, où un couple de jeunes amants est contrarié par les lubies de l'un des parents dans son projet de mariage. L'acte III pourrait être totalement trivial, si Tartuffe n'était pas un personnage "pieux" : Orgon le mari a introduit auprès de sa femme celui qui va le rendre cocu, et s'obstine jusqu'à lui servir quasiment sa femme sur un plateau (de théâtre). L'acte IV en ce sens est une inversion du genre trivial, puisque Dorine cache son mari (et non son amant) sous la table pour se laisser peloter un peu. L'acte V, enfin, dénouement bâtard, ayant quelques longueurs et une chute improbable, est tout entier consacré au sacre du Prince justicier. Il donne à la pièce une fonction bien précise, alors que justement Molière semble s'y être dispersé tout du long.

Il faut noter à quel point cette pièce, malgré la langue, malgré l'alexandrin, est vivante et emportée. Les répliques de Dorine sont un vrai bonheur d'insolence, certaines scènes régalent les esprits les plus polissons (« Cachez ce sein que je ne saurais voir »... ), et les derniers vers insistent sur le bonheur enfin promis aux jeunes amoureux. Que demander de plus ?

En 1665, avant que Le Tartuffe ne soit réhabilité aux yeux de la cour, Dom Juan commençait par une tirade de Sganarelle sur les plaisirs du tabac. Façon pour Molière de rentrer dans le lard de la "Compagnie du Saint-Sacrement" responsable de la censure du Tartuffe. En effet, ces gens douteux, outre qu'ils avaient reconnu toute la vieille cour dans le portrait de l'hypocrite dressé par Molière, proscrivaient l'usage du tabac, qui selon eux était une initiation au vice.

Victoire de l'œuvre intelligente sur la connerie humaine, en quelque sorte... Rien que pour ça, lisez ou relisez Le Tartuffe de Molière ou, mieux encore, allez le voir sur scène.


216 pages, coll. Classiques & Cie Hatier - 3 €

09 janvier 2007

Le Vieux qui lisait des romans d'amour

En 1992, Le Vieux qui lisait des romans d'amour a propulsé Luis SEPULVEDA, écrivain chilien, sur les devants de la scène littéraire et en tête des gondoles, en obtenant à la fois — visez le paradoxe — le prix Relais H et le prix France Culture.

Dans un pays equatorial vit Antonio José Bolivar Proaño. C'est un colon arrivé à El Idilio des années plus tôt parce que le gouvernement y promettait une terre et de quoi l'exploiter. Il vivait en ce temps un amour platonique et sauvage avec une femme, LA femme : Dolores Encarnacion del Santisimo Sacramento Estupiñan Otavalo. Celle-ci meurt lors de la mousson, la deuxième année. Antonio José Bolivar en veut au gouvernement pour ses mensonges, ses promesses non tenues. Il part dans la forêt tropicale, est piqué par un serpent. Secouru par les indiens Shuars, il survit miraculeusement à la piqûre. Il est l'un des leurs maintenant ; il apprend à vivre selon leurs coutumes, à chasser comme eux, à maîtriser le monde de la forêt tropicale, lieu hostile aux colons.

Plusieurs années plus tard, Antonio José Bolivar revient à El Idilio et bâtit une cabane sur un terrain un peu à l'écart. Les habitants ne trouvent rien à y redire : cela les rassure d'avoir un homme moitié civilisé, moitié sauvage pour défendre le village en cas d'attaque d'une bête sauvage. Un ocelot, par exemple.

Mais le véritable ennemi d'El Idilio, et au premier chef du vieil Antonio José Bolivar, c'est le nouveau maire, le "puni" envoyé par le gouvernement central. Il arrive un beau jour à bord d'une barque. A peine a-t-il posé le pied sur le sol du village, qu'il commence à suer à grosses gouttes ; il n'arrêtera jamais, c'est pourquoi on le surnomme "la limace".

Un jour, un colon est retrouvé mort, écorché vif aux abords du village. De petites peaux de fauve dans sa barque. Le maire va pour tuer les indiens Shuars qui ont rapporté le corps, mais le vieux lui explique que c'est une femmelle ocelot, ce grand fauve puissant et très intelligent, qui a tué l'homme. Dès lors commence une chasse réciproque : l'ocelot chassant les hommes pour se venger de l'extermination de ses petits, le maire se lançant dans la forêt, un milieu qu'il ne connaît absolument pas, enrôlant Antonio José Bolivar malgré lui.

Un roman au croisement de plusieurs genres : le récit d'aventure, le polar, l'éducation sentimentale, la satire. Le Vieux qui lisait des romans d'amour vaut surtout pour le talent avec lequel Sepulveda pose des personnages archétypés, dont on se souvient facilement, ainsi que pour l'argumentation écologique sous-jacente. Un roman dans l'air du temps de notre campagne présidentielle, à n'en pas douter...

Je m'inquiète tout de même, pour ma part, d'avoir réussi à m'ennuyer sur un si petit nombre de pages... Je trouve finalement l'écriture assez plate et les idées très convenues. Il y a peu d'action. Je ne m'explique pas vraiment le succès de ce livre. Mais je suis ouvert à vos explications, chers lecteurs !


J'oublie volontairement de vous expliquer le titre du roman, vous trouverez plein d'infos sur ce site réalisé par des élèves de Troisième
Sepulveda adapté en B.D. ?!
121 pages, coll. Points Seuil - 5 €