28 février 2007

(BD) Who do you think you are, Charlie Brown ?

Trouvé sur eBay où je glandouillais grabatairement, voici un tome au format poche dessiné par notre ami Charlies M. SCHULZ, et présenté ici dans la langue de Shakespeare (excusez du peu).

Outre une qualité d'impression qui nous renvoie tout de même en... 1970, eh oui ! la qualité des strips est vraiment au rendez-vous. C'est du Schulz grande époque, du Brown épique, du Linus qui pète la forme, de la Lucy qui crève l'écran, du Snoopy hilare.

Sally Brown, la petite sœur du héros éponyme, est encore un quadrupède inoffensif, qui fait ses siestes sur le dos du beagle. "Pig Pen", le garçon toujours cradingue, fait une ou deux apparitions. Linus, toujours lui, est omniprésent : il accomplit des miracles météorologiques, s'attache à sa couverture par une corde, fugue avec son baluchon, bâtit des châteaux de sable dignes de Gaudi.

Avantage incontestable de la version originale : les GOOD GRIEF et SIGH qui ponctuent le texte me paraissent à la fois intraduisibles et irremplaçables. Sans même parler des PTUI, CLOMP !, WHAM (non non, rien à voir avec... ), HAHAHAHA, HOHOHOHO, *SIGH* (avec les petites étoiles), Z (tout simplement), TINCKLE TINCKLE TINCKLE, MOO et WHOoOP !, POUNCE POUNCE, RIP ! SNARL ! TEAR ! ou GRAUGH, WHAP WAP WHAPPITY WHAP, POW POW... ... OH GOOD GRIEF !

:)


120 pages env., éd. Coronet Books - env. 5 € sur eBay

23 février 2007

(BD) Joe Cool déteste le dimanche après-midi

Comme il fait quand même très beau ces derniers temps, Snoopy sort ses lunettes de soleil et se prend pour Joe Cool.

« Les poulettes adorent les pulls à col roulé...

Voilà Joe Cool traînant près du dortoir un dimanche après-midi... Peut-être que je vais passer au club des étudiants voir ce qui se passe... Voilà Joe Cool traînant au club des étudiants, cherchant de l'action... Je vois qu'on rejoue
Citizen Kane... Je ne l'ai vu que ving-trois fois...

Peut-être que je vais pousser jusqu'à la bibli, voir qui est là. Flûte... pas de poulettes ! Peut-être que je vais aller jusqu'au gymnase faire quelques paniers... Si j'avais une caisse, j'irais faire un tour... Peut-être que je vais aller voir l'expo géologique... Je dois divaguer... regarder ces cailloux ? Dans tes rêves !

Voilà un type avec deux poulettes... comment fait-il ? Les feuilles commencent à tomber... Les soleil est chaud mais il fait frisquet à l'ombre. Je me demande ce qui se passe à la maison... Peut-être que je devrais retourner au dortoir écrire quelques lettres... *HUM* Joe Cool déteste le dimanche après-midi... »


Dans ce premier tome des éditions Hors Collection, pas mal de réflexion et d'introspection de la part des Peanuts. Et pas seulement de l'éternel dépressif Charlie Brown !

Peppermint Patty se fait virer de l'école parce qu'elle ne veut pas remplacer sa tenue habituelle (short et sandales) contre une robe d'écolière. Woodstock se brouille avec Snoopy, qui va se faire massacrer par le chat(on) du voisin. Lucy est pessimiste sur son avenir avec Schroeder. Linus apprend à se séparer de sa couverture bien-aimée. Sally Brown réfléchit à la valeur intrinsèque de l'évaluation sommative...

Dans l'une des planches, Charlie Brown fait part à Linus de son expérience de l'amour : son père lui a raconté une histoire très personnelle qui tend à montrer qu'on n'aime jamais que des souvenirs, et que l'amour au présent n'est qu'une illusion.

Très belle compilation du travail de Schulz, ce volume n'est malheureusement plus édité.


64 pages, éd. Hors Collection - env. 6 € en occasion
Je vous ai déjà présenté les tomes 3 et 5. Vous pouvez m'offrir les autres si vous voulez... :)

22 février 2007

Lettres à une disparue

Une lectrice assidue nous présente ce roman de Véronique MASSENOT :

Lettres à une disparue est un court roman par lettres écrit dans un style très simple pour laisser plus de place aux émotions. Car des émotions, il y en a.

Melina est une femme qui écrit à sa fille. Rien d’original, direz-vous. Oui mais nous sommes dans un pays où règne la dictature militaire, et où les gens qui contestent publiquement l’autoritarisme du régime « disparaissent » : un jour, ils sont emmenés par la police, et on ne les revoit plus. Voilà ce que veut dire « disparaître » dans ce pays, qui évoque bien sûr les anciennes dictatures d’Amérique latine, et en particulier l’Argentine.

Or, il y a déjà plusieurs années, Paloma, la fille de Melina a disparu, ainsi que son mari et sa fille de deux ans, Nina. Melina écrit donc sans espoir de réponse. D’ailleurs ces lettres ne sont pas envoyées : elles restent dans un tiroir, et personne n’en connaît l’existence. C’est le moyen qu’a trouvé Melina pour ne pas sombrer dans la douleur.

Pourtant un jour, un rayon de soleil réchauffe l’espoir : les militaires auraient adopté de force certains des enfants de leurs victimes. Commence alors une recherche longue et difficile : celle de l’existence de Nina.

Mais comment convaincre une enfant de 8 ans que sa famille n’est pas sa famille ? Que toute sa vie n’est que mensonge ?

Voilà donc un très court roman, très facile à lire, et rempli d’émotions d’un bout à l’autre, jusqu’à la dernière lettre, qui est assez surprenante.


92 pages, coll. Livre de Poche Jeunesse - 4,29 €

13 février 2007

Corriger des copies : évaluer pour former

Voici un ouvrage au titre très précis, qui sonne comme celui d'un "Petit Guide pratique de...", mais il n'en est rien. Odile et Jean VESLIN écrivent au contraire ici une sorte d'essai de pédagogie, basé sur des enquêtes et sur des pratiques d'enseignants et d'élèves.

Paru en 1992, à l'époque où les I.U.F.M. sont mis en place, ce livre tente de résoudre l'une des questions centrales de l'enseignement : celle de la correction. Pour ne pas que la correction se limite, comme pendant la préhistoire de l'Ecole Républicaine, à la notation, Jean Cardinet nous rappelle dans sa préface les trois étapes chronologiques de la correction : Piéron, Bloom, Piaget.

A partir des années 80 se dessine un nouvel horizon : celui de l'évaluation formative. On ne corrige pas que pour établir un constat final des apprentissages, mais on corrige tout au long des apprentissages, et l'évaluation finale devient elle aussi formative.

Ce nouveau schéma, auquel Odile et Jean Veslin apportent leur contribution ici, pose la correction comme un exercice quotidien de « psychologie sociale cognitive » : la correction devient un modèle de communication entre l'enseignant et l'élève. A l'intérieur de ce modèle, l'enseignant ne porte pas sur son dos tout le poids de l'évaluation, puisqu'il fait en sorte que les élèves s'approprient eux-mêmes les critères d'évaluation.

Ne dites pas « qu'est-ce que je sais ? », mais dites « comment j'apprends ? »

De sorte qu'on n'évalue plus un résultat final pour déterminer simplement s'il y a succès ou échec. Au contraire, l'évaluation des apprentissages à un moment donné n'est jamais qu'une sorte de "bilan de compétences" appliqué au champ scolaire, une manière de relativiser l'importance de Notre-Dame-la-Sainte-Note.


154 pages, éd. Hachette Education - 18,80 €
Pour poursuivre vos investigations métacognitives sur ce blog, c'est par ici

Le deuxième jour, on inventa le Web 2.0...



Une vidéo surprenante sur l'évolution de l'écrit, du papier à ce qu'on appelle, depuis plusieurs mois, le "web 2.0".
Une réflexion intéressante menée en 4 min 30 secondes.

Le court-métrage, mis en ligne par son auteur le 31 janvier 2007, est à ce jour la vidéo la plus vue de toute la blogosphère : elle a été vue plus d'un million de fois et a déjà généré plus de 6 000 articles...

Le texte de cette incroyable vidéo est disponible ici, car attention : ça va assez vite !

Le Mythe antique dans le théatre du XXè siècle

D'accord, on ne dirait pas forcément comme ça, au premier abord, mais ce bouquin est vraiment passionnant !

C'est une sorte de "Que sais-je", version améliorée, écrit par Olivier GOT qui est agrégé et tout et tout. Le format et la présentation sont agréables, pratiques et clairs.

J'ai revu en quelques pages ce qu'est un mythe : l'origine étymologique muthos signifie parole, discours, récit. Le mythe prend plus tard le sens de fable, de légende. Un mythe c'est donc, pour paraphraser la première page de l'ouvrage, « un récit imaginaire, appartenant à un groupe social donné, transmis de génération en génération et qui enferme un sens symbolique. »

L'action du mythe se situe le plus souvent dans un temps non défini, lorsqu'il raconte les origines du monde : par exemple l'épisode de la Genèse dans la Bible. Mais le mythe peut aussi, plus rarement, pointer un épisode historique précis, et dont on a perdu le souvenir exact. Le mythe s'installe alors dans les trous de mémoire et recrée l'épisode de façon idéalisée. C'est l'exemple de la guerre de Troie, connue à travers Homère, où bien celle de Charlemagne contre les Sarrazins, évoquée dans la Chanson de Roland, premier poème de la littérature française.

Les personnages du mythe sont en général des dieux, des héros et des monstres. Les héros sont soit de nature mi-divine mi-humaine, comme Hercule, fils de Zeus et d'une mortelle, soit des êtres doués de pouvoirs et capables de prodiges.

On peut opposer révélation et mythe, dans la mesure où le premier s'appuie sur une transmission directe du message : le corpus de la Bible est révélé par Dieu lui-même. Dans les mythes, il n'y a pas de texte premier : la tradition est orale, et les poètes n'ont fait que transcrire des épisodes, au gré de leur fantaisie et de ce qu'ils cherchent à mettre en avant selon leur époque.

On apprend vraiment une mine de choses dans ce livre, et ce en très peu de pages : je n'en ai lu pour le moment que 28 sur 89 ! Savez-vous quel est le défaut humain qui énerve le plus les dieux ? C'est l'hybris, c'est-à-dire la démesure. Quels sont les auteurs tragiques grecs ?

Il y a d'abord Eschyle (525-426), dont il nous reste sept œuvres : Les Perses, Les Sept contre Thèbes, Les Suppliantes (fin d'une trilogie... les tragédies étaient composées et présentées par trilogie, et se terminaient par une pièce courte et légère, sorte de digestif théâtral). Il y a aussi l'Orestie, trilogie complète qui comprend Agamemnon, Les Choéphores (les "Porteuses de libérations"), Les Euménides (Les "Bienveillantes", c'est-à-dire les Erynnies, déesses du remords, nommées ainsi par antiphrase... eh oui, c'est sûrement de là que provient le titre du Goncourt 2006 !), et enfin Prométhée enchaîné, début d'une trilogie. A l'époque d'Eschyle, les tragédies sont jouées par un chœur, un choreute. Eschyle ajoute un deuxième acteur.

Ensuite, Sophocle (497-406), dont il nous reste également sept pièces (sur cent quinze probablement écrites dans sa longue vie) : Ajax, Les Trachiniennes, Antigone, Œdipe roi, Electre, Philoctète, Œdipe à Colone. Sophocle a ajouté un troisième acteur, poussé à abandonner les trilogies et augmenté le chœur de douze à quinze personnes.

Enfin Euripide (480-406) : il nous reste dix-huit tragédies et un drame satyrique. Ses œuvres, via le poète latin Sénèque au premier siècle après J.C., ont énormément influencé les classiques comme Racine. Médée, Andromaque, Les Troyennes, Electre...


S'ensuit dans l'ouvrage une présentation détaillée et illustrée d'extraits de l'arbre généalogique des Labdacides (Europe, Cadmos, Laïos, Jocaste, Œdipe, Créon, Hémon, Antigone... ), puis de celui des Atrides (Zeus, Tantale, Pélops, Atrée, Thyeste, Hélène, Ménélas, Agamemnon, Iphigénie, Electre... ). Je ne vous raconte pas tout, mais moi j'ai révisé les bases de notre culture, rien que ça !

La division de cet ouvrage à la manière d'une boîte à outils du mythe antique laisse la possibilité, comme je l'ai fait, de découvrir ou redécouvrir, sans être contraint de tout lire d'un trait. Bon boulot, lecture très motivante !


89 pages, coll. ellipses - 5 €

10 février 2007

Palais de glace

Publié en 1963, Palais de glace est LE grand roman de Tarjei VESAAS (1897-1970), celui qui lui a valu de nombreuses traductions, et une renommée internationale.

Siss et Unn sont deux jeunes filles de onze ans. Siss habite la région depuis toujours, elle a ses repères, ses habitudes, ses deux parents. Tous ses camarades sont toujours derrière elle, parce que c'est elle qui propose les jeux, qui impose les règles, qui invente les modes.

Unn est orpheline, et recueillie chez sa tante, cette vieille femme qui vit dans une grande maison, seule, depuis toujours. L'étrangère. Sympatique au demeurant, mais si seule depuis toujours. Si secrète.

Lorsque Unn arrive dans la classe de Siss, elle ne tarde pas, bien qu'elle soit très discrète de nature elle aussi, à s'attirer l'attention de ses camarades. Elle redéfinit l'équilibre de la classe. Jusqu'au moment où, très implicitement, il se met à y avoir conflit d'autorité entre Siss et Unn.

Le jour où Siss en prend conscience est justement le jour où Unn l'invite à passer chez sa tante le soir-même. Siss se rend au rendez-vous, intriguée et tremblante. C'est la première page du roman, et tout ce qui précède est révélé au lecteur par analepse.

Ce soir-là, bien qu'on y assiste, on ne sera jamais sûr et certain de ce que les deux jeunes filles ont échangé : un secret ? une caresse de trop ? leurs âmes ?

Unn, le lendemain, se perd sur le chemin de l'école. Volontairement. Elle se dirige du côté du "palais de glace", cette sculpture naturelle qui s'est formée à l'endroit d'une chute d'eau, et qui durera tout l'hiver. Elle accède à l'édifice éphémère, y pénètre par une fente dans la couche de glace translucide. Comme dans une grotte, elle progresse de chambre en chambre, les unes glaciales, les autres emplies de buée... Mais Unn ne sortira plus du palais de glace : le bloc l'a avalée, et les plaies dans la surface extérieure se sont refermées.

Palais de glace, c'est le roman sobre et terrifiant du deuil que porte Siss, jusqu'à l'effondrement du bloc de glace au printemps suivant.


200 pages, coll. G.F. - 5,80 €

04 février 2007

Quizaine métacognitive

C'est dimanche et il est grand temps de lancer une nouvelle Quinzaine !

Pas franchement littéraire, cette fois, quoi que...

Du 11 au 25 février 2007, nous allons naviguer ensemble dans les méandres de la métacognition... Et d'abord, répondre à la question cruciale que tout le monde se pose, surtout moi : cékoikesse que la métacognition ?!

Wikipédia nous répond, mais ça ne nous satisfait guère. N'est-ce pas ?

Alors c'est parti pour quinze jours de folles lectures sur la correction, les rôles sociaux, la gestion des groupes, la conduite de réunion, l'évaluation formative, la psychologie sociale cognitive, les représentations mentales...

Avouez : vous êtes tout excités rien que de lire à voix haute une si belle énumération de termes barbares. Pas vrai ?
:)


Britt-Mari BARTH, L'Apprentissage de l'abstraction
Michel GRANGEAT et Philippe MEIRIEU, La métacognition, une aide au travail des élèves
Philippe MEIRIEU, Apprendre... oui, mais comment
Michel PERRAUDEAU, Les Stratégies d'apprentissage : comment accompagner les élèves dans l'appropriation des savoirs
Gérard SCALLON, L'Evaluation des apprentissages dans une approche par compétences
Charles M. SCHULZ, Joe Cool déteste le dimanche après-midi
Odile et Jean VESLIN, Corriger des copies : évaluer pour former


En cas d'indigestion, prenez une dose du Journal d'une institutrice clandestine !

Les Oiseaux

N'allez pas en conclure que Kevin Huizenga m'a converti à l'ornithologie mais... voici, après le recueil de nouvelles Une belle journée, un roman du Norvégien Tarjei VESAAS, au titre très hitchcockien (aucun rapport, pourtant) : Les Oiseaux, paru en 1957.

Une curieuse histoire que celle de Hege et Mattis, la sœur aînée et son frère. Mattis a une particularité : il est un peu simple. Ils vivent tous les deux dans une maison au bord d'un grand lac. Il n'est pas autonome, alors elle prend soin de lui et subvient à leurs besoins en tricotant. Il n'est jamais question de leurs parents, tout est comme si Hege et Mattis avaient toujours eu l'âge qu'ils ont, et comme s'ils avaient toujours vécu ensemble, seuls.

Autour de la maison, des chants valonnés. L'embauche se fait au jour le jour lors des périodes de récolte. Les saisons perdent leur durée, et se suivent comme des semaines ou des années. On a des souvenirs saison par saison. Mattis est marqué par le vol d'une bécasse au-dessus de la maison. Il y voit le signe de quelque chose : Hege finira par se séparer de lui, ou bien l'un d'entre eux mourra...

Un jour, au printemps, Hege envoie Mattis chercher du travail aux champs, ou dans les fermes des environs. Mattis se fait embaucher une journée, mais il est tellement peu efficace au travail, qu'on ne veut pas le reprendre le lendemain. Lui, cela l'arrange : il n'aspire pas à autre chose qu'à rester végéter dans la maison, ou sur le palier, aux côtés de sa sœur/maman.

Un autre jour, Mattis met sa vieille barque à l'eau et s'en va pour un tour sur le lac. Mais la barque prend l'eau. Mattis, ne sachant pas nager, rejoint difficilement un îlot rocailleux sur le lac, avant que sa barque ne touche le fond. Cet incident l'amène à rencontrer Anna et Inger, deux jeunes filles de son âge. Au retour de son expédition, Mattis est fier de lui parce qu'il s'est sorti vaillamment de la situation et que les deux filles, qui ne sont pas d'ici, ne semblent pas s'être rendu compte de sa différence. Dès lors, Mattis doit bien s'avouer que ses sentiments envers sa sœur sont depuis toujours emprunts d'une part de cette sensualité à laquelle Anna et Inger viennent de l'initier.

Or, au retour de cette escapade, Hege propose à Mattis de devenir passeur, en mettant sa barque et ses bras à disposition des gens qui voudraient traverser le lac. C'est le début du premier vrai métier de Mattis. Un métier dont il peut se sentir fier, parce qu'il en est capable. D'autant qu'il n'y a jamais personne à vouloir traverser le lac...

Sauf, un jour, un bûcheron nommé Jörgen. Il ne fallait pas autre chose qu'un solide bûcheron pour divertir Hege, et c'est le début des soucis pour Mattis, qui perd l'exclusivité de sa sœur.

L'écriture est dépouillée comme dans Tortilla Flat de Steinbeck, et Mattis peut justement rappeler Lenny dans Des souris et des hommes. Les dialogues sont particulièrement vivants et sonnent étrangement. Est-ce le talent du traducteur Régis Boyer que de réécrire le texte de Vesaas dans un français qui sonne comme une langue étrangère ? L'univers de Tarjei Vesaas est décidément captivant, et sa façon de tourner le quotidien en petits événements successifs est impressionante. Dans Les Oiseaux, grâce à ce style vraiment déconcertant, un simple d'esprit accède en quelques dizaines de pages à une dimension tragique.

Tarjei Vesaas : l'aridité de Knut Hamsun et le sens du drame confiné d'un Ibsen. Epatant !


165 pages, éd. Plein Chant - 13 €

02 février 2007

(BD) Or Else #4

Ce quatrième opus de la série orchestrée par Kevin HUIZENGA est aussi le dernier numéro paru.

First of all, le format de "Or Else" augmente un peu en largeur. L'illustration de couverture, en première comme en quatrième page, est beaucoup plus élaborée, plus travaillée que sur les précédents numéros.

J'ouvre et découvre un long sommaire : pas moins de dix-neuf titres y sont annoncés. Le dernier à la page 198... ... Eh oui, il me faut quelques instants pour me rendre compte que :
1°) le volume ne compte pas plus de 100 pages ;
2°) les pages ne sont pas numérotées ;
3°) aucun de ces titres ne correspond à un début d'histoire...

Comme cela m'est déjà arrivé avec le travail de Kevin Huizenga, je commence à lire la première histoire, et au bout d'un quart d'heure quelques pages ont défilé, certaines portant un titre, ou le rappel en gros caractères du nom du personnage principal, Glenn Ganges. Je ne peux pas dire si j'ai changé d'histoire, ou si c'est la même qui continue.

Le procédé qui consiste à rappeler le nom du personnage, ainsi qu'à indiquer titres ou sous-titres, on le voit déjà chez Chris Ware dans Jimmy Corrigan, the smartest kid on earth. Sûr que Huizenga a lu ça, et que Chris Ware est l'un de ses mentors : l'influence frôle l'hommage à plus d'un coin de planche.

Les titres intempestifs ? Cela a sans doute à voir avec la façon de travailler de Kevin Huizenga. L'un de ses travaux en cours affiche chapitres et sous-chapitres, tous numérotés. Je pense qu'ici aussi, il faut les Glenn Ganges IN ... comme des annonces d'épisodes. Cela ne signifie pas qu'on soit sorti de l'épisode précédent.

Cela fait un tout. Des "motifs" reviennent. Ici, la phrase "I was saved from my own life", comme un slogan publicitaire que Glenn se répète à longueur de temps, tout en s'effrayant de la dire. Autre sujet d'étude monomaniaque : les pigeons. Glenn est souvent plongé dans des gros bouquins de vulgarisation scientifique empruntés à la bibliothèque. Cette fois, ce sont les oiseaux, et particulièrement les pigeons, qui retiennent toute son attention, toutes ses interrogations. Jusqu'à ce que le fantôme de Maurice Mæterlinck surgisse...

Esthétiquement, probablement le plus abouti des numéros de "Or Else" que j'ai lus à ce jour. Sur le plan des références, elles sont nombreuses également, non seulement aux traités sur les oiseaux, mais à la littérature symboliste et aux personnages célèbres des comics américains du passé.

Le côté "Glenn, ami des bêtes", je l'avoue, m'a un peu lassé. Le numéro se termine sur un chaos généralisé, un peu facile pour échapper au dernier moment aux effets soporifiques de l'ornithologie. Bref, l'auteur reste talentueux, le volume présent est un bien bel objet, mais Huizenga est capable d'une plus grande profondeur comme d'un humour plus relâché. Comme si ces deux choses-là allaient ensemble...


100 pages - D. & Q. mars 05 - 5,95 $
Format 13 x 15 cm environ - à découvrir ici
La boutique de Kevin Huizenga sur uss.catastrophe.com