09 avril 2007

(BD) La Perdida

J'ai fini dans la nuit cet "ouvrage de bande dessinée volumineux", comme l'appelle son auteure, l'Américaine Jessica ABEL.

Carla est une jeune femme vivant à Chicago, née d'une mère américaine et d'un père mexicain qui n'a jamais été là pour elle. L'histoire commence en 2006, alors que Carla repense au voyage de "redécouverte de soi" qu'elle a entrepris à Mexico en 1998...

L'effet de mise en scène des premières pages, une case sur deux montrant Carla en 1998, l'autre en 2006, m'a paru un peu "lourd" pour entrer dans l'histoire. Et malgré un trait de crayon qui pourrait rappeler Craig Thompson, les fioritures en moins, cette lourdeur s'est confirmée par la suite dans la narration.

Il y a peut-être en effet dans ces quelques 256 pages un peu trop de choses à dire, ou bien pas assez. Trop, parce que le volume entier donne l'impression de partir en permanence dans plusieurs directions, sans jamais réussir à faire des choix. Pas assez, parce que personnellement je me suis sévèrement ennuyé à plus d'une reprise.

L'HISTOIRE, quelle est-elle ? Carla arrive donc à Mexico, à la recherche d'une moitié de ses racines. Elle trouve Chicago sans intérêt, et débarque à Mexico avec la naïveté d'une aubergiste espagnole. Elle va trouver refuge chez son ex., Harry. Un type inintéressant, mais elle le sait tout-à-fait disposé à l'héberger quelques temps, en échange d'une petite part de vie sexuelle sans engagement... Ce qu'elle n'a pas dit à Harry, c'est à quel point elle a fui les U.S.A. Trois semaines passent, et Carla fait (un peu) exprès de rater son avion de retour. Elle va rester un an à Mexico.
Harry vite oublié, elle emménage dans un quartier plus populaire. Elle s'est liée d'amitié avec un extrémiste coco qui ne pense qu'à sauter toutes les jeunes touristes américaines blondes à forte poitrine. Elle se refuse à lui, et se rabat sur un deuxième larron, une petite frappe qui traficote de la drogue. Ces contacts avec les autochtones lui permettent de prendre un peu (trop) de recul vis-à-vis des expats, en particulier le groupe d'amis d'Harry, bande de clochards célestes à la recherche d'un Mexico craignos et décadent chanté par Kerouac, par Burroughs.
Carla, au fil des pages, ne se rend pas compte qu'elle s'aveugle, par passion pour le Mexique, et à cause de la mauvaise conscience qu'elle a de n'être jamais qu'une bourgeoise américaine en quête d'une authenticité de carte postale. Memo le coco abuse de cette mauvaise conscience pour lui faire avaler des couleuvres. Il la persuade qu'il est son meilleur ami, et Carla s'isole de toute relation avec ses semblables pour vivre à fond son retour au "pueblo".

Le volume est divisé en chapitres. Dans le dernier quart, tout d'un coup l'action s'accélère et l'intrigue tourne au polar politico-financier. On a commencé avec L'Auberge espagnole, on finit sur Tom Clancy... et Jessica Abel ne contrôle plus rien dans ce nouveau genre : les péripéties sonnent faux, improbables. Il n'y a plus rien d'intime, de personnel. L'auteur veut marquer les esprits, veut taper un grand coup. Et, selon moi, ça foire complètement. Clara se retrouve responsable d'une séquestration, d'un meurtre, d'un incident de politique internationale, et finit par être expulsée définitivement... d'un pays mafieux jusqu'à l'os !

Les dernières pages, comme les premières, veulent créer un effet, mais là encore l'effet est trop lourd. L'auteur ne cherche qu'à justifier son titre, La Perdida, comme s'il était encore nécessaire d'expliciter au lecteur, après plus de 250 pages, qu'en se cherchant au plus loin d'elle-même, Carla a cru un moment se trouver, avant de comprendre qu'elle s'était perdue.

Victor Segalen, auteur brestois du début du XXè s., vous dira tout ça bien mieux que Jessica Abel, dans un essai très court et extrèmement bien écrit intitulé Essai sur l'exotisme.


256 pages, éd. Delcourt - 25 €

1 commentaire:

Anonyme a dit…

bonjour
je viens de finir cette bande dessinée et je pense comme vous dans l'ensemble.
votre blog est sympa, j'espère que le mien saura tout autant vous informer
bonne continuation

http://playtime.unblog.fr/