02 décembre 2007

(BD) Amerika

Robert CRUMB (né en 1943 à Philadelphie) est en quelque sorte le père fondateur des comic books américains. Il a été, dans les années 70 et 80, un auteur aussi prolifique que contestataire. Son dessin peut rappeler les toiles et sculptures de Fernando Botero : petites têtes et corps enflés, rondeurs tellement rondes qu'elles dégoulinent à la façon des montres molles de Dalí.

Cette anthologie s'intitule faussement Amerika, avec un "K" façon Kafka. En effet la société décrite dans ces 93 pages est aujourd'hui celle de tout l'occident, pas seulement des U.S.A. Et puis « Pourquoi les foules sont-elles si écœurantes ? », demande Crumb en dessinant une file d'attente au guichet d'un fast food. « Parce qu'en général, les gens qui les composent sont encore pires pris individuellement, j'imagine... » Notez qu'il n'en est pas sûr...

Robert Crumb est un dessinateur génial et jubilatoire, dans le sens où il s'affranchit de nombreuses censures : formelles, de mise en page, mais aussi politique, religieuse et morale. Il prend un malin plaisir à représenter des scènes d'orgies, particulièrement des orgies sexuelles, tout en s'excusant dans un petit cadre en bas de la page : « j'aimerais tant savoir mieux dessiner ! »

Crumb, tel qu'il se représente, est aussi un individu maigrichon et d'aspect plutôt repoussant. Ses idées réactionnaires ne font pas dans la demi-mesure : il est contre la modernité, les jeunes, la musique populaire, l'architecture moderne, les engins spatiaux et toute forme d'agissements de groupe. Forcément, Crumb est avant tout un solitaire.

C'est pourquoi de nombreuses pages sont ici des dénonciations, et les gens ou les faits que dénonce Crumb sont nommés précisémment. « ... Et quel pays de dingue où l'on peut dessiner comme on veut les choses les plus dégradantes, les plus irrévérencieuses sur les puissants, et tout le monde s'en fout ! Pas de taule, pas de poursuites... On vous exclut simplement du marché !! »

Lucide, Robert Crumb gagne aussi à se présenter lui-même comme une victime du système qu'il dénonce. Solitaire et maudit à ses débuts, le citoyen Crumb est devenu au fil des ans l'un des papes de l'underground.

On voit son trait évoluer ici, entre 1969 et 1991, entre un style hérité des strips début de siècle et quelque chose d'à la fois beaucoup plus dépouillé et plus réaliste, quelque part entre Tronchet et Wolinski... tout en restant, surtout, 100 % Robert Crumb.


94 pages, éd. Cornélius - 19 €

4 commentaires:

Nicolas a dit…

Au fait, pour ceux qui aiment les chiffres, ej signale que c'est ici le 375è billet du Blog à Lire, billets accompagnés d'environ 850 commentaires...

Je ne vous cache pas que j'essaie en ce moment de lire beaucoup, pour battre mon score de 132 billets en 2006... plus que 14 avant le 31 décembre, encore un effort !
;)

Julie Delporte a dit…

Mais ou trouves-tu tout ce temps pour lire... !?

Nicolas a dit…

En économisant sur la qualité de mon temps d'écriture... :/

Nicolas a dit…

Plus que 9 billets aujourd'hui !

J'accepte toute participation libre de droits d'auteurs... juste pour le plaisir d'exploser le record !

C'est mon côté Laure Manaudou... :/