22 février 2008

L'Assommoir

Assommant, L’Assommoir ? Quelques longueurs, on vous l’accorde. Quelques lourdeurs, on le regrette. Mais quand même, quel chef d’œuvre ! L’Assommoir, ou la peinture réaliste et sans fard du milieu ouvrier parisien sous le second Empire (1850-1871). C’est à Gervaise Macquart, qu’incombe de porter les modestes rêves et la pesante misère ouvrière sur ses épaules pourtant robustes de blanchisseuse. Car Gervaise ose rêver : avoir toujours du pain, un toit, un travail, élever ses enfants comme des bons sujets si c’est possible, ne pas être battue, et mourir dans son lit.

Mais ce modeste rêve est trop ambitieux car Gervaise est victime de deux fatalités : celle de sa famille, qui paie de génération en génération les tares des aïeux, et celle de son milieu, le milieu ouvrier voué à une vie de chien. On peut ajouter une troisième fatalité : celle qu’impose l’auteur, qui ne peut ni ne veut donner aucune chance à son personnage, si attendrissant soit-il.

C’est d’ailleurs avec cynisme que le narrateur fait espérer une vie de bonheur à son personnage : Gervaise devient patronne ! Avec quelle fierté elle contemple la Goutte d’Or de son pas de porte !

Mais c’est un leurre : son ascension n’a d’autre but que de la faire tomber de plus haut. Grignotée par deux sangsues, Coupeau et Lantier, la jolie boutique bleue ne peut lutter bien longtemps : l’argent fuit, les dettes s’accumulent, le linge sale envahit l’espace, et Gervaise baisse les bras. Sa fille, Nana, est une peste qui fugue quand il fait trop faim. Tout se dilate : la volonté fragile de Gervaise pour lutter, sa peur de l’anisette, son corps qui s’enfle, son estime pour elle-même, et son langage qui devient ordurier…

La déchéance est totale, sur tous les fronts : matérielle, physique, sentimentale, morale, et langagière.

Ses contemporains ont reproché à Emile ZOLA « la verdeur » du langage des personnages. C’est pourtant cela qui fait l’intérêt de L’Assommoir, et qui annonce, d’une certaine manière, Le Voyage au bout de la nuit de Céline.


566 pages, coll. Livre de Poche - 3,80 €
Billet écrit par une lectrice du BàL

4 commentaires:

Nicolas a dit…

Je plussoie à ta comparaison finale : en découvrant L'Assommoir après Le Voyage..., j'ai vraiment trouvé qu'il y avait chez Zola un travail sur la langue sacrément précurseur !
1877, 1932... 60 ans, quand même !

Anonyme a dit…

Moi j'ai lu TOUTE la saga des ROUGON MACQUART...et bien je dis Merci Mr Zola !

Nicolas a dit…

WOW ! Mais qui es-tu ??
Est-ce que tu sais que le Guiness Book recherche ta trace depuis des années déjà ?




:p

Cécile Qd9 a dit…

l'Assommoir est assommant... c'est la formule la plus originale qui soit à propos de ce livre, la preuve je viens de l'écrire en commentaire de mon jeu sur les "livres à lire dans le métro". Je préfère (de trèèèèès loin les romans bourgeois de Zola. Eux, je les finis... ;o)