28 avril 2008

(BD) Ulysse

SFAR & BLAIN sont partis pour une nouvelle série : ça s'appelle Socrate le demi-chien. Je vous avais déjà présenté le premier tome, "Héraclès" ; voici le second, "Ulysse".

Socrate n'est pas un demi-chien en réalité. En réalité, c'est surtout un être de fiction. Philosophe grec, il a pour disciple un certain Platon. Et c'est par son disciple, uniquement par témoignages indirects, que la philosophie de Socrate nous est (supposément) connue. Socrate, c'est donc le personnage qu'invente Platon pour philosopher à bâtons rompus. Invente, oui : c'est de l'alter-fiction, si vous préférez.

Des haltères et du bâton, il en reste quelques traces dans la BD de Sfar & Blain. Héraclès est un grand gaillard à peine costaud, et son chien Socrate un gringalet. Signalons toutefois qu'il reste entier, pour ne pas dire intègre. Il n'est pas plus demi qu'une lune, et tout aussi lunatique. Vieux disque, vieille rengaine.

Héraclès consomme des aventures et aussi des aventures. Il est inconscient plutôt que courageux, rustre plutôt que séducteur. Et Socrate le suit comme son chien. Ou bien : Socrate est un chien errant qui ne craint que le bâton de son maître, musclé façon gonflette aux haltères.

Bref, le premier tome était déjà pas mal, si je me souviens bien (la flemme de me relire). Mais celui-ci est encore mieux, si je me souviens bien (la flemme de me relire). Héraclès fait copain copine avec Homère et part en mer, car Homère est le poète de la mer, assurément. Socrate n'attrape pas le mal de mer, mais coincé entre ces deux mâles poilus, il y laisse quelques touffes des siens (de poils) et une amoureuse. Parce que l'amoureuse de Socrate pour H&H ne vaut pas plus qu'une touffe et deux seins (sans poils). C'est qu'ils sont rugueux, les marins d'eau douce. Pas du genre à se laisser dorloter, les musclés. N'ont pas besoin d'un laidron en guise d'édredon, non.

Car Homère et Héraclès ont en commun le goût dévorant des belles femmes ; ils se les prêtent, même. Et se prêtent aussi l'un à l'autre, vaguement au creux des vagues. Bref ils ont tout de l'ado si l'ado est cette créature un peu andogyne qui découvre qu'il a du poil, des muscles, un zizi, et qu'aucune femme n'arrivera jamais à la hauteur du souvenir qu'il a de sa maman.

Ça tombe bien, dites donc : le troisième tome s'appelle "Œdipe".


48 pages, Poisson Pilote - 10 €
Pour se cultiver : http://fr.wikipedia.org/wiki/Socrate

02 avril 2008

Vieil Ange de Minuit

Vieil Ange de Minuit a paru en 1998 aux éditions Gallimard, en même temps que paraissait aux éditions Denoël ce qui reste probablement mon roman préféré de Jack KEROUAC : Anges de la désolation.

Vieil Ange de Minuit, old midnight angel, « vieil ange de la mi-nuit » comme l'appelle Kerouac dans sa langue kanuk maternelle, c'est d'abord l'ange inspirateur, celui qui inspire une vision à Jack. C'est ensuite une figure métaphysique, sorte de compilation du Bouddha, des divinités mexicaines, des idoles de toutes sortes et du petit Jésus lui-même : le récit commence un vendredi saint. C'est enfin celui qui revêt toutes les figures du passé, ou qui les convoque au moins : William Burroughs, Allen Ginsberg, Neal Cassady, et toutes les femmes.

Ah, les femmes dans l'œuvre de Kerouac ! Il y a de quoi faire une thèse, si ce n'est déjà fait. Ici, dans ce délire presque incontrôlé, les femmes prennent le plus souvent la part de l'ange : il vaut encore mieux qu'elles s'évaporent complètement, tant elles ne sont pas mises à l'honneur. A part Mémère, bien entendu.

Pour le reste, je ne vous cacherai pas que la lecture de ce carnet d'impressions est assez indigeste. Totalement, même, si vous attaquez l'hermétique forteresse par le biais de la préface : du grand n'importe quoi, ou comment fabriquer du jus de cerveau à base d'œufs à la coque.

Voilà donc un texte qu'il vaut mieux lire par petits bouts, comme on aurait une suite de "visions". Le terme de "vision" était d'ailleurs cher à Kerouac (ce que n'est pas foutu de dire l'embouché préfaceur), à mon sens parce qu'il mêle le sens religieux au sens simplement mémoriel, et que tous deux sont primordiaux dans les récits de Kerouac : transcendance et mémoire, souvenir et vision.

A réserver je le crains aux fanatiques de Kerouac, dont je suis. Sauf à vouloir se dégoûter d'aller plus loin. C'est-à-dire de découvrir les récits comme Visions de Cody, Visions de Gérard, Docteur Sax ou Maggie Cassidy.


66 pages, publié avec deux autres textes courts aux éd. Gallimard - 11,90 €