06 juillet 2008

Robert Doisneau

Robert Doisneau (1912-1994), c'était le stakhanoviste des quartiers populaires de Paris, l'Everest de la photo de rue. Ce fut aussi l'intime des Prévert et Queneau, des Giacometti et Picasso, de Mademoiselle Anita et de ma chère Simone... sans parler des autres intellos du Café des Deux Magots. Poil au dos.

Jean-Claude GAUTRAND signe cette édition de photos de Doisneau dans la très belle et très abordable collection "Icons" chez Taschen. Le texte présenté en Allemand, en Anglais et en Français est très bien fait : savant mais abrégé, il ne cherche pas à expliquer l'œuvre, ni à la rendre évidente. Pas plus qu'il ne s'attarde à faire l'hagiographie de Saint-Robert, patron de la photographie moderne.

Les photos de Doisneau dans les rues de Paris sont bien loin d'être datées. Même sous l'occupation, même sur les barricades des résistants du Quartier Latin, Doisneau ne photographie pas seulement une époque : il photographie le fait d'être humain. Très peu de photos de Doisneau peuvent sembler froides ou distantes : la plupart font apparaître très sensiblement le regard que Doisneau portait sur les gens, sur les endroits, sur les objets. Et très souvent les personnes le regardent aussi, très intensément, à travers l'objectif.

« L'existence n'est certes pas gaie, mais il nous reste l'humour, cette espèce de cachette où l'on jugule l'émotion ressentie. (...) L'humour c'est une forme de pudeur, une façon de ne pas déranger les choses, de les aborder avec délicatesse, en donnant un clin d'œil. L'humour est à la fois masque et discrétion, un abri où l'on se cache. Suggérer d'un touche légère ou badine, sans avoir l'air d'y toucher, mais on l'a dit quand même... »

Pour ce "reporter à titre privé", comme il se désignait lui-même, il n'est pas question de produire les images objectives d'une réalité sociale, culturelle ou politique. Il ne s'agit pas non plus d'apporter un simple témoignage du temps perdu, mais d'aller vers l'autre avec toute la générosité qu'on pourrait attendre en retour.

Être Doisneau, ça ne devait pas être aussi simple tous les jours. Pourtant on dirait qu'il n'y a pas moins compliqué, qu'il suffit de sortir et d'aller vers les passants, de cueillir la photo et de dire merci. Hmmm... (gros soupir)...


190 pages, éd. Taschen - 6,99 €

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