28 novembre 2008

Mon beau sapin

Bonjour à tous ! Si ça vous est déjà arrivé de penser aux enfants qui n'ont pas de cadeau à Noël, si vous pensez qu'on ne peut pas y faire quoi que ce soit simplement en cliquant sur un lien html, ou encore pire en lisant des BD (drôle d'idée, c'est vrai), alors il faut cliquer...

ICI !

Les petits n'enfants ils vous remercient.

24 novembre 2008

Les Enfants de l'Oncle Tom

Je viens de lire un grand livre. Un livre bien écrit, violent, sensitif. Un livre nécessaire, et pas seulement en son temps. Ça s'appelle Les Enfants de l'Oncle Tom et c'est écrit par Richard WRIGHT, écrivain Afro-Américain, artiste Noir exilé à Paris aux temps où l'Amérique était ségrégationniste et où Paris passait pour une terre d'accueil. Un temps lointain et proche.

Le roman se compose de trois épisodes de la vie dans le Sud. Dans le premier épisode intitulé « Le Feu dans la nuée », révérend Taylor est un Noir obéissant, pacifiste et raisonnable. Il s'entend assez bien avec le Maire blanc, qui lui parle comme à un enfant. Jusqu'au jour où les industriels (blancs) du pays font pression sur le Maire pour empêcher une manifestation des ouvriers noirs, qui meurent de faim. Le Maire fait la morale au révérend : il faut qu'il persuade ses ouailles qu'il vaut mieux mourir de faim en silence que de manifester dans le centre ville des Blancs. Taylor ne promet rien. Alors des hommes blancs l'enlèvent, l'emmènent à quelques kilomètres de la ville, l'attachent à un arbre et le fouettent jusqu'à ce qu'il tombe inconscient, baignant dans son sang. Taylor revient en ville pendant la nuit, traversant les banlieues blanches respectables. Il rejoint son home, honteux et presque mort. Le lendemain, il apprend que d'autres Noirs ont été châtiés. Devant la foule de Noirs prêts à défiler, il prend enfin sa responsabilité : il faut défiler et il faut être nombreux. Le cortège arrive en ville, choquant les bourgeois et les bourgeoises. Le Maire fait appeler Taylor au milieu du cortège, mais cette fois Taylor renvoie le messager et fait dire au Maire que c'est à lui de se déplacer. La liberté appartient aux forts.

Dans « Le Départ de Big Boy », quatre adolescents sèchent l'école par un jour de chaleur pour aller se baigner dans une mare privée, qui appartient à un blanc. Ils laissent leurs habits au pied d'un arbre et vont se rafraîchir, s'amuser, chanter. Une Blanche arrive et les regarde un peu effrayée. Deux des jeunes Noirs ont un mauvais mouvement : ils se dirigent vers l'arbre pour récupérer leur habits et déguerpir sans faire d'histoire. Mais la jeune Blanche, les voyant venir vers elle beaux et nus, réagit comme si on l'agressait (ce qu'elle désirerait peut-être) et hurle. Un blanc sort de la maison avec sa carabine et sans rien dire abat les deux garçons à bout portant. Les deux autres se jettent sur lui. Big Boy attrape le fusil, menace le Blanc, mais le Blanc avance vers lui alors Big Boy tire et tue le Blanc. La suite de l'histoire est une traque nocturne. Big Boy se terre dans un trou, son copain se fait attraper. Les notables blancs lui déversent sur la tête une marmite de goudron porté à ébullition, puis il le recouvrent de plumes et allument le feu.

Dans « Long-Chant-Noir », une jeune maman noire attend son homme à la maison. La maison en question est une ferme, c'est le fruit du travail acharné de l'homme noir pour bâtir son destin comme un Blanc. Un commis voyageur arrive à la tombée du jour, blanc-bec qui vend des pendules et des phonographes pour payer ses études dans le Nord. Il abuse d'elle, elle consent à être abusée parce que délaissée à la maison par un homme qu'elle admire mais n'aime pas, elle rêve encore de son grand amour de jeunesse, parti à la guerre et jamais revenu. Avant le petit matin le jeune Blanc repart : il laisse le phono derrière lui et promet de repasser le lendemain. Le fermier noir revient chez lui, trouve le phonographe posé dans la chambre. Combien cela vaut-il ? Quarante dollars. L'étiquette dit cinquante... Il chasse sa femme et son enfant, qui vont se réfugier dans les bois. Au matin le commis blanc revient, accompagné d'un ami. Le fermier l'accueille en lui tirant dessus. L'ami du Blanc repart à toute allure. Plus tard, les Blancs arrivent et mettent le feu à la ferme, et le fermier reste dans sa ferme, et sa femme regarde les flammes monter au ciel sans entendre ni émettre un cri.

Richard Wright est connu principalement pour son œuvre autobiographique, et particulièrement pour Black Boy et Native son (Un enfant du Pays). Indésirable aux Etats-Unis, il arrive à Paris juste après la Deuxième Guerre mondiale et est accueilli par l'équipe des « Temps modernes », Sartre et Beauvoir en tête. Il s'installe durablement en France et y finit sa vie, ce qui explique en partie le succès de ses livres ici. Aux U.S.A., James Baldwin est l'un de ses descendants littéraires, même s'il prend ses distances avec la vision de Wright sur la question des Noirs. Le public américain considère Homme invisible de Ralph Ellison comme le plus grand roman écrit par un Noir, et l'un des plus grands romans du XXè siècle. En comparaison, il fait peu de cas des romans de Richard Wright. En France, Ralph Ellison est un inconnu, même pas publié dans une collection de poche... Wright, Ellison et Baldwin sont, chacun à leur façon, trois romanciers incontournables pour quiconque s'intéresse au destin des Noirs américains au XXè siècle.


178 pages, coll. Livre de Poche - 2 € env.
Redécouvrez la Quinzaine Noire du BàL, et aussi ce livre d'Angela Davis

21 novembre 2008

Le Chemin des sortilèges

J'ai beau être un garçon, Chez-les-filles.com est un site sympa avec moi : elles m'ont envoyé le dernier roman de Nathalie RHEIMS, Le Chemin des sortilèges.

Le bouquin en question fait 180 pages et il est à peine plus grand qu'un livre de poche. Bien imprimé. Beau portrait granulé en couverture... ... quoi ?

Bon, d'accord. Je n'ai pas accroché.

Le Chemin des sortilèges, c'est le retour au bercail d'une jeune femme qui a perdu le dernier et le plus proche... de ses proches. Sauf que son lien avec l'homme en question reste savamment indéterminé tout au long du récit. Récit intime à la première personne, récit psychanalytique qui raconte les rêves, les analyse, les met en relation avec les contes lus sur l'oreiller, avant de s'endormir. Comme une petite fille, la narratrice admire cet homme comme un père. Comme une adolescente qui bourgeonne, elle l'évalue parfois aussi comme un amant, un initiateur. Comme une femme qui pourrait vouloir un jour fonder une famille, elle s'interroge : ferait-il un bon père ? Comme une femme âgée et superstitieuse, elle se confie à lui : il est son psy et son prêtre.

Je n'ose dire que ce sont là des problématiques exclusivement féminines, et en même temps... Si je voyais Œdipe, je le dirais tout aussi bien. Alors je le dis : c'est un bouquin pour les filles, voilà.

Voilà, la boucle est bouclée, et le billet avec. Pas génial, je sais, mais il vaut mieux que je n'en dise pas plus parce que la critique serait plus acerbe. Et après tout, je ne suis pas une fille, je ne suis pas le cœur de cible de ce roman, alors pourquoi je le jugerais ?

...

... parce que je le trouve niais ?

... construit schématiquement ?

... plus proche du style Harlequin que de Wiazemsky (qui elle parle tellement bien des femmes) ?

... psycho-psychana-psychoso-franco-chiant ?

... oups. J'arrête.


180 pages, éd. Léo Scheer - 14 €
D'autres lectures de ce livre ICI, ICI ou bien

06 novembre 2008

Franny et Zooey

J.D. SALINGER me réconcilie avec la littérature. C'est pas que j'étais fâché, déçu ou aigri, non ; mais j'ai lu pas mal de choses depuis pas mal de temps, et ces derniers temps la proportion de bouquins inintéressants était devenue trop importante. Ça fait l'effet d'un renvoi : burp.

Salinger n'est pas n'importe qui à mes yeux. C'est parce qu'il a écrit L'Attrape-cœurs, c'est parce que je l'ai lu lorsque j'avais quinze ans et que je n'aimais pas lire qu'il y a eu un déclic. Un préalable, comme dirait l'autre.

L'HISTOIRE. La fratrie Glass a grandi à New York dans une maison cossue durant les années 30 et 40. L'aîné est mort à la guerre. Le second, Seymour, s'est suicidé. C'est le troisième Glass, Buddy, qui raconte l'histoire dans un style un tantinet précieux. C'est l'histoire de Franny, la cadette, qui tombe sous l'influence d'un livre un peu mystique, prônant la prière perpétuelle. Prenant le contenu de ce livre au pied de la lettre, Franny s'échappe peu à peu de la vie concrète et perd pied. Elle ne se nourrit plus, s'évanouit, perd du poids et traîne en robe de chambre dans le salon familial. Zooey son plus jeune frère, parce qu'on lui force un peu la main, va la trouver et tente de mettre les choses à plat, bien maladroitement.

Le roman se résume donc à de longs dialogues d'une finesse assez rare, dans un style parlé que les lecteurs de L'Attrape-cœurs connaissent bien. Les personnages ne sont pas seulement crédibles : ils sont réels, ils sont là devant nous. Avec leur insolence, leur sens inné de la répartie, leurs tics de langage, leurs manières. Les relations entre Zooey et Franny sont chargées d'émotion. Ils ont grandi ensemble à l'ombre des aînés, trop imposants ; et puis les aînés sont morts brutalement, alors... Comment trouver une contenance ? Comment être à la hauteur sans avoir à tirer sa révérence dans le plus bel âge ?

Salinger termine son récit sur un pied de nez d'une incroyable force poétique, dans lequel on retrouve le sens du décalage illustré dans ses nouvelles : « Un jour rêvé pour le poisson-banane », « Oncle déglingué du Connecticut »... Ici c'est "la Grosse Dame"... mais je ne vous en dis pas plus.

Franny et Zooey sont les frère et sœur de Holden Caulfield. L'atmosphère de ce roman a quelque chose du huis clos de September, à mon avis le meilleur film de Woody Allen. La révolution stylistique de Salinger est aussi importante que celle de Céline et le ton aussi dérisoire qu'un Bonjour tristesse.

Pour moi ce roman est une petite merveille, un objet précieux qu'on chérit intensément, comme une part de nous-même qui nous serait rendue après un si long temps.