24 janvier 2009

Quinzaine des correspondances

Je ne sais pas si vous êtes comme moi, mais... depuis que le petit Charles B. a déclaré que « La Nature (était) un temple où de vivants piliers / Laissent parfois sortir de confuses paroles. »... eh bien je ne suis pas beaucoup plus avancé sur la question des correspondances.

Alors...


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Chères lectrices, chers lecteurs, vous êtes convié(e)s, du 24 janvier au 7 février 2009, à la Quinzaine des Correspondances sur le BàL, pardi !!

Au programme ? Quelques récits épistolaires et deux ou trois gros paquets de lettres ouvertes dans la plus grande indiscrétion... Et puis quelques escales ici et là, sans rater la correspondance, tant il est certain que correspondre c'est noter l'ici pour le transporter ailleurs.

Toutes
idées lectures et impertinences bienvenues !!
:)

Blogueusement vôtre,
Nicolas


Post-scriptum : quelques liens ci-cliquables...


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Lettres unilatérales :
Simone DE BEAUVOIR, Lettres à Nelson Algren : Simone rencontre Nelson lors de son premier voyage aux U.S.A., en 1947. Elle tombe amoureuse. Non pas comme une femme de quarante ans, mais comme une adolescente. Sa verve se met au service de son corps qui renaît.

Jean-François CHABAS, Aurélien Malte : Aurélien passe sa quatorzième année en prison. Pour l'aider à faire la transition entre les murs de sa cellule et le monde extérieur, Anne, bénévole dans une association, lui rend visite. Et Aurélien lui écrit des lettres unilatérales...

Calamity JANE, Lettres à sa fille : Mme Jean McCormick n'a révélé qu'en 1941 qu'elle était la fille de la célèbre et redoutable Calamity Jane. Voici les lettres qu'elle a publiées.

Véronique MASSENOT, Lettres à une disparue : Melina écrit à sa fille Paloma, une "disparue" parmi tant d'autres en Argentine...

Claire MAZARD, L.O.L.A. : Lola et Mehdi tentent de décrypter des lettres anonymes pour en démasquer l'expéditeur, un drôle de type dont l'histoire a un lointain rapport avec la nouvelle vie de Lola.


Lettres échangées :
Galit FINK et Mervet AKRAM SHA'BAN, Si tu veux être mon amie : A la fin des années 80, l'Intifada sévit entre Palestiniens et Israëliens. De chaque côté de ce mur d'incompréhension, deux jeunes filles correspondent et tentent de comprendre malgré tout.

Jack LONDON & Anna STRUNSKY, The Kempton-Wace letters : Dans les années 1900, un jeune universitaire du nom de Dane Kempton correspond avec Herbert Wace, son mentor, son père symbolique. Ils n'ont pas la même vision des sciences, du sens de la vie... ni du mariage vers lequel Dane se dirige.

Brigitte PESKINE, Moi, Delphine, 13 ans... : Delphine vient d'être débarquée avec son frère et sa sœur dans un village d'enfants, suite à une décision de justice intervenue pour les séparer de leur mère alcoolique tout en les laissant ensemble... Elle écrit à Audrey, une vague connaissance du collège de Vitry qu'elle fréquentait l'année passée. Et en écrivant, elle avance.

Kathrine Kressman TAYLOR, Inconnu à cette adresse : Max et Martin se trouvent séparés par un océan au moment de la montée du nazisme en Allemagne, dans les années 1930. Max est juif et habite San Francisco ; Martin est bientôt fasciné par Hitler...

23 janvier 2009

L.O.L.A.

L.O.L.A. de Claire MAZARD est un récit plus léger que le précédent, même si une nouvelle fois la lettre sert à faire une confession et une analyse.

Lola vit depuis peu avec sa mère et son beau-père Michel. Elle doit sans arrêt garder Jérôme, son jeune demi-frère qui l'agace au plus haut point. Un jour elle trouve une lettre anonyme qui lui est destinée. Un type raconte sa vie et la prend à témoin ; il semble la connaître. La lettre annonce celles qui vont suivre...

Lola et Mehdi mènent l'enquête en découvrant jour après jour de nouvelles lettres, qui racontent qui fut l'homme qui les écrit. Une bien curieuse histoire de famille qui tourne mal à cause d'une toute petite haine mal enterrée... Lola en tire une bonne leçon.

De cette correspondance unilatérale, je garde un souvenir assez indifférent. Rien dans l'écriture ni dans la caractérisation des personnages n'inscrit ce récit épistolaire dans l'anthologie du genre.


71 pages, coll. Magnard Poche - 3,20 €

22 janvier 2009

Moi, Delphine, 13 ans...

Oui, le titre de ce roman rappelle le très célèbre Moi, Christiane F., 13 ans... mais Brigitte PRESKINE se limite visiblement à lui rendre hommage et compose ici un récit moins violent.

C'est l'histoire de Delphine, qui vient d'être placée avec sa sœur Elodie, 10 ans, et leur petit frère Steve dans un village d'enfants, par décision de justice. Là, une "mère", Camille, les prend en charge avec professionnalisme. Lorsqu'elle récupère ses jours de congé, c'est Paulette, l'aide à domicile, qui prend le relais avec les moyens du bord... L'idée est de rassembler la fratrie après que la vraie mère de Delphine, alcoolique, a été reconnue inapte à s'occuper de ses enfants. Sauf que la fratrie n'est pas encore au complet : Franck, 14 ans et Myriam, qui vient de naître, doivent encore rejoindre le village.

Tout cela fait du monde ! Au village il n'y a que des enfants avec de drôles de parcours familiaux. Des cas sociaux comme on dit. Delphine, à son arrivée, s'échappe en écrivant à Audrey, une vague connaissance du collège qu'elle a fréquenté l'année précédente, à Vitry. Audrey l'a toujours ouvertement ignorée par le passé mais qu'importe : Delphine a besoin d'écrire à quelqu'un.

L'auteure connaît son sujet et le récit s'en ressent positivement : la vie au village est renseignée, les profils d'ados et d'adultes sont crédibles. Malheureusement d'ailleurs, concernant les adultes...

Enfin, en se livrant dans des lettres régulières, Delphine arrive à accepter sa nouvelle vie. Elle change même d'avis sur Camille : c'est quelqu'un qui fréquente les musées et qui aime les belles choses, elle ne peut donc pas être mauvaise ni s'occuper d'eux uniquement par intérêt. Delphine regarde aussi sa propre mère d'un autre œil, plus distant mais plus humain. Elle se rend compte qu'elle ne peut pas juger de tout ni de tout le monde en un instant.

Petit à petit, Delphine (se) construit. Mais elle ne sait pas encore qui est Audrey...


142 pages, coll. Pocket - 4,75 €

21 janvier 2009

Inconnu à cette adresse

Kathrine Kressman TAYLOR (1903-1997) était américaine, née dans une famille d'origine allemande. Dans les années 1930, elle est extrêmement lucide vis-à-vis de la montée du nazisme en Allemagne. Elle imagine alors ce récit épistolaire.

L'HISTOIRE : Deux amis collectionneurs d'art sont responsables d'une galerie à San Francisco. Ils sont d'origine allemande, ayant fui l'Europe après le traumatisme de la Première Guerre mondiale. L'un des deux, Martin, repart au pays natal ; l'autre, Max, reste à San Francisco. C'est le point de départ de leurs lettres. Martin ouvre une galerie à Munich. Après avoir fait le constat de la pauvreté et de l'humilité extrême dans lesquelles vit la population allemande, il est rapidement fasciné par le personnage d'Adolf Hitler, qui vient d'apparaître sur la scène politique. Il devient cadre du parti nazi. Max, à distance, demande des explications à Martin : il ne comprend pas comment son ami peut se fourvoyer avec des gens qui méprisent la culture humaniste et le modernisme, des gens qui sont en train d'organiser l'élimination des Juifs.

Ce ne sont pas plus d'une trentaine de lettres en une soixantaine de pages, mais l'écriture de Kressman Taylor est terriblement efficace. Le désarroi de Max et la froide rigueur de Martin ne nécessitent aucun débordement. Dans le moment le plus tendu de l'intrigue, un câblogramme tient lieu de lettre. Plus de place pour les impressions, les nuances, l'échange cordial entre deux hommes cultivés : revenons-en à la poésie rugueuse des échanges commerciaux... sauf que ça ne fait pas très propre, un cadre nazi faisant commerce d'art dégénéré avec un Juif américain.

La correspondance s'arrête en mars 1934. Le pire est encore à venir, mais l'incendie du Reichtag a déjà eu lieu et la nuit des longs couteaux arrive. La dernière lettre de Max Eisenstein à son associé Martin Schulse finit par lui revenir : Inconnu à cette adresse.

Un grand petit livre.


91 pages avec le très intéressant dossier, coll. Livre de Poche Jeunesse - 4,90 €
Ce livre fait partie de la Quinzaine des correspondances

Comme le fantôme d'un jazzman dans la station Mir en déroute

Voilà un titre qui m'a plu et me plaît encore ! Un titre éminemment poétique et résolument pas de son époque(1). J'ai d'ailleurs cru dans un premier temps à un fausse piste dans le genre de L'Automne à Pékin de Boris Vian mais non : le dernier roman de Maurice G. DANTEC parle bel et bien du fantôme d'un jazzman dans la station Mir en déroute.

Et pour réaliser ce tour de force - je veux dire inventer un roman qui colle à un titre pareil, si tant est que le titre soit apparu à Dantec avant le roman, ce que je pense - on peut dire que l'auteur part de loin. De très loin, même : 36 000 Km environ, la distance habituelle que prennent les satellites géostationnaires vis-à-vis de l'Equateur.

Les deux héros de ce livre forment un couple percutant et gentiment halluciné. Ce sont en effet deux jeunes déréglés profonds du cerveau, vivant dans une société internationale hystérique et ultraviolente, sorte de projection uchronique de notre bel occident. L'homme est celui qui raconte, il a la trentaine ; sa complice est une belle plante instruite et athlètique de 21 ans, qui répond au doux nom de Karen. Le roman s'ouvre sur le braquage d'une agence postale de quartier, dans Paris, raconté par le braqueur. S'ensuit une absence de course-poursuite, tellement le coup est parfait. Tout se complique comme de bien entendu dès que le couple en fuite, usurpant toute une flopée de nouvelles identités, commence à approcher de l'Equateur. Le tout baigne dans l'alcool et les cachetons, histoire de rester sérieux, et toute chose dans le récit est ultra et se compte en millions, question de modernité.

Trêve de moquerie, voici très certainement un roman qui détonne au milieu des parutions franco-françaises habituelles. L'action est pêchue et la langue couillue. On sent que Dantec a l'intention de déballer son engin littéraire. Ça aboutit assez inévitablement à des passages un peu puérils, tout dans la manifestation un peu adolescente d'une violence verbale dont le narrateur se gargarise. Plus embêtant : les efforts les plus visibles pour être moderne se soldent souvent par de grands moments de solitude narrative et de ringardisme esthétique. Tellement de références diverses sont citées, à commencer par le Kill Bill de Tarantino dès la couverture, que le roman tombe plusieurs fois dans un esthétisme à mon avis stérile. Même si je souscris par exemple à l'hommage rendu à Albert Ayler (qui joue le rôle du fantôme dans la station Mir en déroute), je cherche toujours ce que Dantec propose à son lecteur une fois qu'il a balancé ce nom et qu'il nous a raconté les circonstances louches de la mort du saxophoniste. Idem pour Orange mécanique, Cassius Clay, les lunettes Ray-Ban, Carl Perkins, Nelson Mandela et même la station Mir : tous sont cités dans le roman, mais pourquoi ?

J'ai fini par lire bien vite une bonne moitié de l'ouvrage. Ça se lit comme on zapperait à demi assoupi entre plusieurs programmes TV entrecoupés de pubs. Ça occupe incontestablement du temps de cerveau disponible, mais l'assemblage hirsute ne trouve aucune cohérence, et si je m'amuse parfois, je n'adhère pas pour autant. Pour moi le roman de Dantec bouillonne, mais mollement.


(1) Pour pondre un titre actuel, si vous écrivez un essai il faut l'appeler "Ce fantôme qui était un jazzman", ou bien "Ces auteurs qui choisissent de longs titres" ; si c'est un roman, "Métempsycose de la loutre" ou "Le Délire de l'astronaute". Par exemple.
211 pages, éd. Albin Michel - 16 €
Livre lu dans le cadre du programme Masse Critique de www.babelio.com

11 janvier 2009

(BD) Fly Blues

ZARATE & SAMPAYO signent ici un "récit" dessiné. Ce sont eux qui l'appellent comme cela et le dédient, au passage, à la mémoire du grand et modeste trompettiste de jazz Kenny Dorham, auteur entre autres d'un excellent Afro-Cuban.

L'action se déroule en France, en partie à Paris, mais les couleurs sont si chatoyantes qu'on se croirait à Barcelone, en plein soleil. Les mouches virevoltent dans tout le volume et tracent en l'air des arabesques, comme des variations sur un thème de jazz, Fly Blues. Elles dansent, nous parlent en voix off, elles communiquent entre elles ; ce sont elles qui font l'histoire. A contrario, les relations humaines apparaissent pauvres, violentes. Les images choc y remplacent les mots, le coït y tient lieu de discours amoureux.

Kenny Meadows est un trompettiste de génie qui rejoint Paris en car pour enregistrer en studio avec un jeune trompettiste parisien, créateur du thème Fly Blues. Sur une aire d'autoroute, il croise les pas bottés d'une bande de loubards armés de couteaux et de téléphones portables. Les mouches en sont témoins, ainsi qu'une jeune femme qui parle aux voitures.

Gros défauts, en vrac : la narration est très décousue, sans doute parce qu'elle est portée par quelques millions de mouches. La BD met en scène une bande de jeunes criminels dont les actes sont ultra-violents, mais dont le langage (et les codes vestimentaire, gestuel) prête à sourire, vague condensé de clichés langagiers populaires. Le scénario fonctionne par ambiances et cela colle plutôt bien à la "bande originale" jazzistique, mais à quoi servent ces embryons épars de réflexion sur nos sociétés déclinantes... lorsque les auteurs se sentent obligés de clore 88 pages pessimistes sur un happy end ?

En somme, le volume se lit plutôt bien et j'aimerais retrouver les deux ou trois personnages principaux dans une autre histoire, un autre contexte. En donnant autant de place à la bande de tueurs, les auteurs me donnent l'impression de céder à la tentation du contemporain. Ils abordent un monde de violence dont ils ont une idée romancée, peu convaincante. On ne bascule jamais totalement dans le monde des tueurs, et les gentils restent finalement toujours à l'abri, dans leur citadelle d'art et de sentiments.

Fly Blues, c'est un peu comme un conflit de sensations : du sensationnel sanglant au sensualisme bourgeois. A chaque bord ses clichés, et vogue la BD ! Tout ça n'est bon ni mauvais, et c'est peut-être ça que je regrette.


92 pages en tout (l'épilogue de 4 pages est un vrai happy few),
coll. Futuropolis -

09 janvier 2009

Vœux 2009

Bonjour à tous et tout d'abord...

... très, très Bonne Année 2009 ! Je vous souhaite de trouver du temps pour lire, pour écouter, pour discuter, pour réfléchir, pour écrire.

Ce temps-là m'a manqué depuis quelques mois. La photo a pris le pas sur les livres.

Mais 2009 commence avec un passage symbolique que je viens de remarquer à l'instant : la 100 000ème visite sur le Blog à Lire a eu lieu. Silencieusement, l'air de rien, comme ça hop !

Ça va vous paraître plon plon, mais ça me fait quelque chose, quand même, ce chiffre : 100 000 visites en trois ans et demi pour un blog qui ne parle finalement que de mes lectures...

Alors voilà : je vous souhaite pour 2009 le même genre de frisson que celui que je viens de ressentir en prenant conscience de vos 100 000 visites, en pensant à vous, à tous ceux qui lisent ce blog, à tous ceux et toutes celles qui me font l'amitié de laisser quelques commentaires de-ci de-là. 

Un  très très grand et sincère M E R C I. Pourvu que ça dure... :)