06 septembre 2009

Nouvelles mexicaines

Hatier Poche publie une anthologie de nouvelles de TRAVEN, écrivain mystérieux dont les biographies sont sujettes à caution. Ces nouvelles sont tirées d'une vie quotidienne auprès du peuple mexicain, dans les petits villages comme à Mexico.

Dans ces nouvelles, le décor est réaliste quoique assez dépouillé. Les "Indiens" sont des gens simples, parfois durs, remplis de bon sens. Le personnage du "gringo" blanc prend du relief par son inadaptation à la vie et aux mœurs mexicaines. Certaines histoires sont racontées à la troisième personne, d'autres à la première du singulier. Les thèmes abordés sont variés. Il s'agit d'abord de décrire la vie quotidienne du peuple mexicain : le logement, la nourriture, le commerce et puis les liens étranges entre l'homme et l'animal. Ensuite, Traven explore aussi des aspects plus inattendus : le matriarcat, la religion, l'industrialisation, les relations avec le pouvoir local, la répression.

Dans l'ensemble, le regard de Traven sur la société mexicaine est mêlée de respect et de distance. Traven use de son sens critique mais ne condamne jamais les Mexicains. Il ne met que le pouvoir central et les "gringos" en accusation. Comme par exemple M. Winthrop, de New York : ce philanthrope prétend sortir les Mexicains de leur misère en spéculant sur la valeur artistique de leur objets artisanaux. Il joue au plus candide tout en faisant tous les calculs nécessaires à assurer sa fortune personnelle ; sauf que le Mexicain qu'il essaie d'exploiter, lui, est vraiment un homme simple. Aussi, lorsqu'il lui fait miroiter des pesos par milliers, le regard de l'artisan se perd... il ne sait pas ce que signifient ces gros chiffres. Winthrop et son entreprise humaniste peuvent s'en retourner. D'autres nouvelles sont presque des allégories, comme "Achat d'un âne" et "Le chagrin de Saint-Antoine" par exemple.

Je ne suis pas certain que Traven soit bien traduit, ou alors sa langue doit être plutôt pauvre, sa syntaxe assez plate. Le récit n'est rythmé que par l'action, pas par le style. Pour autant, ces quelques nouvelles se lisent goulûment. Elles sont ici présentées accompagnées d'un dossier pédagogique plutôt bien fait, destiné aux collégiens et à leurs professeurs.


80 pages + 50 pages de dossier, coll. Hatier Poche Collège - 4 €
Bibliographie : Golo est l'auteur d'une bio-BD intitulée Traven, Portrait d'un anonyme célèbre publié chez Futuropolis en 2007

02 septembre 2009

(BD) L'Art invisible

En 1992, alors que Art Spiegelman s'apprête à défrayer la chronique BD avec Maus et à obtenir un Prix Pulitzer, Scott McCLOUD entreprend d'établir une présentation générique de la BD depuis ses prémices jusque son avènement en tant que "Neuvième Art".

Scott McCloud est alors aussi jeune qu'ambitieux : il n'a que 32 ans et s'apprête à établir, en BD... une théorie de la BD. C'est le sujet de L'Art invisible. Scott McCloud y donne bien évidemment des références historiques qui permettent dans un premier temps de mieux comprendre l'apparition de la BD. Il nous rappelle que la tradition a longtemps été de séparer rigoureusement les images et les mots. Il rebondit sur les préjugés dont souffre encore parfois la BD aujourd'hui. Il mène son discours avec talent, humour et même une certaine dose de dérision.

Le volume est loin d'être indigeste, même si certains passages relatent des théories assez abstraites. Le propos est réfléchi, et la forme ne l'est pas moins. L'auteur réussit très souvent à nous convaincre par l'image de ce qu'il nous a démontré à l'avance par les mots. Souvent on acquiesce, on reconnaît les faits tels qu'il nous les expose, on convient qu'il a bien raison, on s'étonne même parfois de n'avoir jamais envisagé la BD sous tel ou tel angle.

L'Art invisible est constitué de neuf chapitres inégaux. Les trois premiers m'ont paru les plus ardus mais aussi les mieux faits. Dans les chapitres 4 à 8 les points abordés me paraissent plus contestables et le rythme s'emballe un peu. A cet égard le neuvième et dernier chapitre passe un peu du coq à l'âne, du rappel des arguments développés à des bribes de théorie à peine formulables. On voit tout l'enthousiasme de Scott McCloud mais on voudrait qu'il ait moins de remords à conclure.

Après le livre d'Eisner La Bande dessinée, art séquentiel, cet opus de Scott McCloud devient l'ouvrage de référence de la BD. Si vous vous intéressez à la BD non seulement comme genre littéraire mais bien comme art à part entière, vous trouverez ici sous une apparence accessible et ludique les idées, les théories, les références historiques qu'il vous manque.

Un essentiel.


223 pages, éd. Delcourt - 14,95€
http://fr.wikipedia.org/wiki/L'Art_invisible
http://scottmccloud.com/